PARTURITION |
J'entre. Une auxiliaire aux seins lourds pose une tarte blanche sur ma tête. C'est pour les microbes. Ma femme sourit quand j'arrive sous le projecteur, se remet au travail. Tous les regards convergent vers la sortie qu'on a débroussaillée, repeinte à l'antiseptique. "Viens voir ce que tu as fait ! " dit l'oeil de la sage-femme. "Mettez-vous là, prenez-lui la main " Dit-elle. Contractions. La main serre. Il ya de la hargne et du plaisir dans ce geste. Une autre assistante aux seins nus sous la blouse dispose une caméra en face. " Ca vous fera un souvenir !" dit la mettrice- en- scène. "Poussez ! poussez ! poussez ! poussez ! " voix de mémé avec ses poules. La petite main serre comme une main d'homme. "Le voilà !". L'auxiliaire aux seins nus sous la blouse retourne à la caméra, règle l'objectif. La voix reprend. Les cheveux collent. Les yeux sont exorbitants. Le front fait des vagues. Les joues éclatent. La bouche avance comme une trompette. Les tendons du cou ont des reliefs incroyables. Il y a des odeurs d'organes. Les seins pendent dans un filet de veines bleues. Ils suintent. Elle met toute la gomme. Il faut haleter, s'oxygéner. L'autre, à l'intérieur, se présente, se dévisse, s'arrache la tête la première. Tache noire. Ca va très vite. Je ne vois pas bien, mes lunettes sont sales. " Je l'ai ! C'est une fille ! ". Les regards obliquent sur la masse glaireuse rouge et bleue. Elle crie, la masse glaireuse. Sa mère se penche et l'analyse, la renifle. On me pousse. Deux fourmis blanches. " Comment est-ce-que vous l'appelez ? "..." C'est tout ?" "Oui !" On guette l'arrière-faix. Ca ne vient pas. La chef monte sur la table, s'agenouille, serre les poings, les enfonce côte à côte de tout son poids sur le ventre . Je ne sais quoi faire. Je vois que les yeux gris de la dame brillent d'un éclat militaire. Ca ne vient pas. Les mâchoires serrées de cette brune bouclée du calvados ne laissent plus passer un souffle d'air. Elle s'excite....Elle regrimpe. Elle renonce. " Ca s'ra rien, on va faire une piqûre. " Je reste un moment. Je passe à côté. Je m'agenouille pour voir. Je n'ose pas y toucher . Je fixe la petite fille. A la sortie, je balance la cassette video. Je rentre, m'offre un verre, m'asseois dans la chambre. Je bourre ma pipe, j'éteins les lumières, je regarde la lune. Elle a bougé. |
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