"Pile je gagne et Face tu perds !" C'est la vieille qui recommence... "Quel est le vainqueur que je ne vaincrai pas ?" Dit-elle en dodelinant de la tête. Je lui dis d'aller se faire voir. En fait je l'aime bien cette vieille salope. Je lui retourne son sablier pendant qu'elle se gratte les puces. Je lui donne quelques bonnes adresses du côté de Rueil....."Y-a-plus personne là-bas !" Qu'elle me dit.

La voilà qui tripote son sablier. "Dis-donc toi, tu m'aurais pas fait le coup de la grosse bise? " Je prends l'air qu'il faut. Une gueule de moine et de singe, un sourire confiant, le crime parfait. Je lui ai volé des années de vacances. Elle m'a souvent croisé le long de la rivière, elle m'a vu braconner dans les sablières. On se quitte bons amis. "A la prochaine !" Elle se retourne et me dévisage un moment. "J't'enverrai ma fille, j'peux plus me traîner, j'me fais avoir... Le facteur y t'portera sa photo !"

Cette fois j'ai compris. Sa donzelle vient de la Sorbonne. C'est le genre "mettrice-en-scène", "il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée", "je caresse ma thèse pas les zouaves". La vieille m'en avait parlé. "C't'une vicelarde, y a que le travail qui l'intéresse !" Bon! Qu'importe si le facteur dépose des kilomètres de mauvaise langue et de problèmes, je ne les brûlerai pas, j'en ferai des tapis, j'y marcherai pieds-nus. Je sifflerai un peu plus fort quand mes yeux tomberont sur des rabais inattendus, de belles fesses ou de pressants appels. Quand le mélange des couleurs, les hasards de la distribution me plairont, je choisirai une place, je fermerai les yeux sur le bon endroit. Je ne sifflerai plus.