Ces yeux sont étrangement vides alors que les masses du front et de la chevelure ( ou des cornes ) enserrent d'indéfinissables pensées. Ils ont l'air d'interdire je ne sais quoi, de projeter ou d'aspirer quelque chose qui n'est pas du langage mais un jeu de forces premières, vitales ou mortelles. Cette épave d'une cérémonie terminée, amputée de ses compléments, n'a rien à me dire et je n'ai aucun des mots, aucune des formules qui pourraient y réveiller quelque chose. L'homme qui a creusé la masse et passé les couleurs savait où il allait et connaissait son rôle. Mais il y a dans cette figure quelque chose de restreint, comme si des pouvoirs s'étaient perdus. Les formes gardent leur capacité d'usage , mais elles manquent de ce rayonnement qui caractérise les objets magiques au faîte de leur puissance. La magie se dépêche, se raccourcit quand le monde qui fut le sien se noie dans un monde plus vaste et dominateur. Celui des blancs fit des ravages, les dieux et les ancêtres d'afrique ont sombré dans la clandestinité et les rôles secondaires. La magie blanche des fusils efficaces, des seringues infirmières, des mains jointes à la messe et des oreilles empoisonnées de sermons affaiblit les sens, réduisit les gestes, énerva les rêves. La contagion de l'écriture et du travail salarié firent un peu du village un théâtre de guignols. Les esprits, les ancêtres et les dieux reviendront-ils un jour et pourquoi pas, sous forme d'objets d'art?...J'espère que la magie des blancs les protègera, parce que ces esprits, ces ancêtres et ces dieux seront sans pitié...