DES ARTIFICES ET DES FEUX .... | ||
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Ducruet.©.
2004-2007 |
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Jusqu'ici vous regardiez ceux qui passent en ville comme on regarde passer les gondoliers d'un Canaletto. Inattentif aux douleurs, vous n'aviez autour de votre santé qu'un décor et vos occupations consistaient à vous rassasier. Vous preniez pour de l'angoisse quelques difficultés, des fins de mois difficiles, des insatisfactions, des doutes, des amours loupées... De temps en temps quelques déconvenues, mais vous vous en écartiez sans peine en allant vers les livres et les tableaux, en changeant de place... Vous étiez expert en esquives et habile en imitations, peu susceptible d'attirer les ennuis. Votre art le plus consommé fut de vous glisser dans la foule et de pratiquer l'indifférence. Vous aviez remarqué que dans le nombre l'égoïsme prend aisément le masque de la bonne volonté. Il suffit de se lever à la bonne vitesse pour qu'un type plus généreux ou plus con vous dispense de l'effort. Vous aviez si peur des mauvaises surprises que vous n'avez rien bu jusqu'à la lie... Vous étiez invalide du jouir à la naissance... Seriez-vous tombé la tête sur le carreau en sortant de votre mère ?... Vous avez frôlé la mort par d'incessantes infections d'oreille, pourquoi ne vouliez-vous rien entendre?... Vous êtes sourd à vos prières... Vous n'êtes qu'en exil, comme espion chez les autres. Il vous arrive d'oublier vos chaînes quand certains s'approchent, que vous devinez affranchis des noirceurs du langage et quelque part évadés d'un bagne. Vous n'aimez que les émerveillés de la vie, que les amateurs de jouets... Ailleurs c'est la foule des damnés, les tordus de l'Enfer, les tenaillés du quotidien... L'espèce descendue des arbres, experte en abus de pouvoir, tueuse de grâce et reine de la métaphore... Fille des dieux et des diables, taule de la folie et de la raison... On n'en sort que pour disparaître et on n'y rentre que pour en sortir... Car rien n'est plus insupportable que la fatalité des moeurs et l'obligation des corps... Mais voilà qu' à force de tourner autour du Soleil, vous usez vos dernières semelles à faire les cent pas dans le paysage, ayant compris que vous n'avez rien gagné puisque il n'y avait rien d'autre à faire que de la musique et de l'escrime... Personne ne risque de s'arrêter pour vous entendre chanter, personne ne vous fera mettre en garde ... Vos courbatures traînent la savate et vous souffrez mille morts au souvenir de vos prudences... |
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