BERLIN, VILLE NOUVELLE ? (1)
     
cheval attaqué par un lion. Bronze. Berlin. photo michel ducruet.......................... Cavalier  à la lance. Bronze. Berlin. photo michel ducruet
 
Ducruet.©.2006
 
     

........................................... Berlin fut aux lisières de l'Europe quand la Russie penchait vers l'Asie... On y sent une sorte de crampe, le très sérieux des formes classiques et baroques, un mélange de raideur et d'épanouissement, des monuments un peu seuls sur des esplanades un peu larges... des jardins considérables où des poètes et des nymphes de bronze ont beaucoup à faire ... Freud savait que l'âme vient d'ancêtres qui nous poussent l'épée dans les reins où se produisent et reproduisent les gènes et les grammaires... Il m'arrive encore d'avoir froid dans le dos quand la mémoire ne me lâche pas et que des phrases me sonnent aux oreilles comme il y a cinquante ans. Je ne me défais pas des choses vues et des personnes croisées. Mes mots sont d'emprunt, mes phrases naissent plus souvent de la brume que de mes poches et je tiens debout sur des racines que je n'ai jamais pu compter... Alors que dire d'une ville étrangère?...sur ce qui suinte entre les pavés, met les rues en musique et colore le ciel ? Carthage fut rasée, couverte de sel, mais remontent des nécropoles les squelettes des enfants voués à Baal... Les éléphants d'Afrique chargèrent du côté de Cinecittà... Berlin ne fredonne ni les airs ni les épigrammes du dix-huitième siècle, Voltaire et Casanova sont passés si vite... Venise et Paris étaient si loin... On dirait que les tambours plats , les fifres prussiens, les bruits de bottes, font un tapis sur les trottoirs, mêlés aux frippes des spartakistes, aux tonnes de roses qu'un million de berlinoises amoureuses répandirent sous la voiture blindée du Führer... qu'on est allé si loin dans l' obscénité, la démolition, le retour à la poussière que le soleil y prend une teinte noire, qu'on a fait des immensités pour d'énormes brocantes...

     
christian stahler. Atelier. photo michel ducruet
Christian Stähler. "portraits de famille". 2006. Berlin. Ducruet.©.
     
........................................... La Mort grouille sous les arbres et remue sous les cendres froides. Ailleurs, les voyageurs trouvent l'éternité à Rome, les bals du quatorze juillet à Paris, les arènes à Madrid... Ainsi vont quelques rendez-vous donnés aux quatre coins de l'Europe. Mais à Berlin, où furent distingués tant de philosophes, la rue donne à voir la cruauté des anges bleus et des casques noirs dès qu'on ferme les yeux... Une étrange élégance glisse en surface, des coupés sport conduits par des blondes ou des quinquagénaires, des porsches, des mannequins rescapés d'un certain déluge... Helmut Newton s'y plaisait pour saisir des apparences de débauches méticuleuses. On dirait une baronne un peu saoûle, laiteuse de peau et châtain clair, se refaisant une beauté près d'un lac, aussi peu gênée qu'une courtisanne qui change de ministre ou d'homme d'affaires... L'ouest fut donc chargé d'abolir les mauvais rêves... d'enterrer le concert de 1945 : Furtwangler dirigeant la neuvième devant les nazis foutus... L'est fut à l'agonie d'une morale impossible et d'une imposture d'état. A Berlin, grandie par le fer et par le feu (Bismarck), la science fut trop la ruine de l'âme, tant de Prix Nobel ayant opté pour la race supérieure... Aucun dictionnaire ne dira qu'elle fut nouvelle Rome ou nouvelle Athènes... De son Zoo furent chassés des élans dont le profil semblait sémite... A présent les choses m'en disent plus long que les personnes, les ombres, comme il se doit, étant à peine visibles sur la face noire de l'Occident.
     
Berlinoise. vitrine. photo michel ducruet......................Berlinois. vitrine. photo michel ducruet
Ducruet.©. 2006.
     
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