L'esprit de l'Homme s'est affranchi de tout. Il fallait avant les batailles de César prendre les auspices, surveiller les oiseaux qui venaient de la gauche et ne rien décider sans l'accord des dieux. Les astrologues n'étaient pas en reste et les hommes affichaient une merveilleuse humilité. Des flots de prières suivaient les navires et toutes voiles dehors on pouvait aller à la mort une fois sur deux entre Séville et les Philippines. Les audacieux, les philosophes et les savants eurent en commun leur exigüité. Pourtant cet animal plein de rage ( je ne parle pas du loup...) avait établi un beau jour qu'il fallait couper les ailes de ses compagnes, les rendre muettes sur les grandes affaires et follement bavardes sur les broutilles. L'esprit des femmes, c'est bien connu fut privé de langage, de sorte que dans le meilleur des cas on supporte un peu qu'elles parlent celui des hommes, quitte à se moquer de leur maladresse et de leur naïveté. Il faut qu'elles se taisent pour être belles. A la différence des vieillards pleins de Sagesse on fit de vieilles sorcières tout juste bonnes à flamber et des générations de moines après des générations d'apôtres hurlèrent qu'en guise d'enfants de Dieu les femmes étaient filles du Diable... Tout a été dit sur les "monstres femelles", l'essentiel par contre ne l'était pas : ce sont les plus merveilleuses bêtes de somme jamais domestiquées. Nées pour soulager les hommes des travaux répétitifs et des marmots... 10000 ans de dressage, de lois, d'usages, de coups et de silence ont été nécessaires pour les coloniser sur presque toute la Terre et aboutir à quelques chefs-d'oeuvres d'animaux de compagnie dont les plus connus sont la bourgeoise victorienne et la femme arabe... Tout irait comme avant si depuis cent ans l'air des villes et l'abâtardissement des hommes n'avaient brouillé les cartes du sexe ( ne pas confondre avec la carte du Tendre...).

L'esprit masculin n'aime que soi. Sous prétexte de systèmes, de logiques, de clartés et d'offensives le langage des hommes consiste à se créer de l'espace où les femmes, les bêtes et la Nature en général n'existent qu'à l'état de posters et de ressources. Dieu lui-même a été viré du concert des mâles et plus rien ne pouvait arrêter la conquête infinie des narcisses pour la plus grande gloire de la demi-portion supérieure de l'Humanité. Sauf que guerriers et chefs de famille sont en voie de disparition, que les empires se taillent au clavier, que l'Ecole est ouverte aux filles, qu'elles travaillent et réussissent, que la Culture ( arme de l'homme) tombe des mains qui tenaient les livres, que l'amnésie foisonne, que les maths servent à brider les moins bêtes, que le brassage effréné des copulations trouble les eaux de la conjugalité, que trente pour cent des jeunes femmes se passent de mari et pas forcément de grossesses... Donc la poire est mûre pour que le langage passe aux femmes et que naissent d'autres grammaires, conjugaisons et accords de verbes pour élargir la pensée humaine à toutes les cervelles, pour qu'après l'échec des hommes à s'accorder aux êtres de chair et de sang, viennent de longs siècles d'humilité et de patience en quête d'amitiés et bons voisinages... Qui donc fit des vallées heureuses des vallées de larmes et des belles au bois dormant les putains de la Banque?... Pourquoi disons-nous "Maman!.." sur les champs de bataille et dans la stupéfaction ? ... Malheur à celles qui parlent la langue des hommes ou aux hommes qui font taire les petites filles...