CE CHAT NOMME TIBERE ..... (Au plus distingué des chats, délicat des voisins, sensible des compagnons...) | ||
Ducruet.©.
2007. |
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J'étais un chat bien ennuyé, je m'étais perdu dans les Cévennes à côté de Florac en sortant de mon collier pour me ballader près du Tarn. Quand je suis revenu au camping, je n'ai plus retrouvé mon coin, ils étaient partis sans moi. J'ai tourné en rond, je suis passé près des tentes et des caravanes aux heures des repas, les gens me donnaient des frites et des petits morceaux de jambon, je couchais sous les voitures à l'abri des chiens et j'ai passé comme cela quelques journées distrayantes. J'allais voir les poissons au bord de la rivière, aux endroits où les rochers font des avancées et j'ai vu les truites se caler contre le courant. Au début j'ai cru que je m'étais trouvé une vie pépère, mais après le quinze août les journées ont diminué, la rosée du matin n'en finissait plus et il fallait attendre pour ne pas se mouiller les pattes. Les gens partaient les uns après les autres et j'avais de plus en plus faim. Vers quatre heures du matin j'ai fini par me décider, je suis retourné près de la voiture blanche où on m'avait donné la veille quelque chose de délicieux que je ne connaissais pas. Par la suite j'ai su que c'était du pâté de campagne ou une terrine maison, vu qu'à chaque Noël j'avais droit à ma portion avec une demie tranche de foie de porc bien cuite. Je suis entré dans leur tente pour avoir chaud et j'ai marché sur un duvet très moelleux, si gonflé que vaille que vaille je m'y suis mis en rond et que je m'y suis endormi en faisant de beaux rêves. D'habitude je me réveillais parce qu'un chien faisait sa promenade du matin ou qu'un merle plus lève-tôt que les autres venait taper du bec dans le gravier entre deux courses... Mais cette fois-là, je sentis des caresses derrière ma tête et j'entendis parler à voix basse dans ma direction... elle avait la voix si douce que je me suis laissé faire un bon moment. Je suis sorti de cette tente alors que le soleil était haut, ça m'a désorganisé toute ma journée et je ne savais plus si je devais passer au bord de l'eau ou me tenir tranquille au milieu des sapins. Le temps m'a paru plus long que d'habitude, j'ai eu faim, je suis revenu sur mes pas et je suis allé les voir. Ils m'ont fait signe sans faire de bruit ni de geste inquiétant, il m'ont parlé sans me fixer de trop près et j'ai compris qu'ils m'avaient à la bonne... Pendant deux jours je suis allé les voir, je faisais un somme sous la tente, ils me regardaient sans chercher à m'attrapper et j'ai compris qu'ils feraient de bons maîtres, qu'ils ne m'attacheraient pas et qu'il n'y aurait pas de gamins idiots pour me tirer la queue ou me porter sans arrêt. Un soir le patron du camping est venu nous voir, ils ont pris un verre et je voyais qu'ils tournaient souvent la tête de mon côté... Ils m'ont donné une belle portion de pâté et elle m'a pris dans ses bras en me glissant des mots tendres... C'est là que j'ai décidé de me laisser faire... Ensuite je me rappelle que nous avons fait un long voyage dans la voiture blanche, qu'ils m'avaient installé dans une espèce de valise à fenêtres, que nous avons passé une nuit dans une chambre d'hôtel avec de la moquette et que nous sommes arrivés chez moi à la mi-journée... | ||
Ducruet.©.
2005. |
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C'est là que j'ai passé les meilleures années de ma vie. J'ai dû me faire respecter des deux chattes, la noire était la plus facile à vivre, la grise prenait des airs doucereux pour me rafler des croquettes dès que j'avais le dos tourné. Je ne suis pas méchant mais elles avaient la manie de mettre la pression pour savoir lequel des trois aurait le dernier mot. On passait des heures à s'observer, à guetter les plus petites intentions de chacun, à comparer nos rations et les caresses reçues... C'était éprouvant mais je me sentais assez fort pour ne plus y penser toute la journée, en tout cas c'est moi qui passais le plus de nuits sur le lit de nos maîtres... la deuxième année, Patty, la noire , a disparu... J'ai senti son odeur dans un coin du jardin pendant quelques jours , puis de moins en moins... Les maîtres ne l'appelaient plus... vers cette époque j'ai appris à pêcher le long de l'étang. Je me posais sur une pierre, je restais le plus immobile possible pour que les grenouilles et les petites carpes se rapprochent et je leur balançais un coup de griffes par en dessous, histoire de les faire sauter... Honnêtement je n'ai pas attrappé grand chose au bord de l'eau mais j'ai pris l'habitude de me désaltérer au petit matin ou le soir en jetant un coup d'oeil sur les reflets de ciel, je vous assure que c'est très agréable, et cette eau-là vous met dans la bouche une infinité de petits goûts sympathiques qui n'ont rien à voir avec ceux du robinet. J'ai appris à faire tomber un oeuf de la table du jardin pour qu'il se casse et que je puisse le gober tranquille. C'est ma patronne qui m'a donné le truc et chaque fois qu'elle rentrait du poulailler, elle faisait exprès d'en poser un. Au début de l'été j'allais au fond du potager pour surveiller les terriers... Je m'offrais deux ou trois lapins au moment de leurs premières sorties. Je les mange en commençant par la tête et je les avale en entier, en prenant soin de ne pas toucher à l'estomac qui est acide et amer. Zébuth, c'est la grise, adore la chasse, mais ne mange que des croquettes, elle a pris l'habitude de m'apporter ses souris bien vivantes et je n'ai plus qu'à les finir et les croquer... C'est une vie de rêve ... J'adore suivre mes maîtres dans l'herbage et au jardin, je n'aime pas tellement me promener seul à cause des renards... Ici ils sont nombreux et en février mars ils vont jusque sous les fenêtres pour voler ce qu'ils peuvent... J'en ai vu un qui s'est sauvé avec un coq dans la gueule vers les neuf heures du matin... mon maître l'avait repéré trop tard et quand il a tiré dessus il était trop loin... Je suis sûr qu'un renard pourrait m'attaquer par derrière juste au moment où je déterre une taupe ... Sur la photo vous me voyez en route pour le pré des moutons, il y a toujours beaucoup d'oiseaux et de campagnols dans ce coin-là. Mes maîtres n'aiment pas trop que j'y aille, mais c'est plus fort que moi, les odeurs sont si bonnes et l'air si calme que je ne peux pas rater ma tournée dans ce coin de paradis. | ||
Ducruet.©.
2007. |
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C'était au mois de juillet, vers dix heures du matin. Depuis, il s'est passé bien des choses. Fin octobre, j'ai commencé à avoir mal à la tête, surtout derrière la nuque... je me sentais moins de forces. je n'avais plus de goût pour rien. Ma maîtresse s'en est rendu compte, je m'approchais d'elle autant que possible mais la nuit je perdais le sommeil et je sentais des courbatures partout. Ils m'ont mis dans un panier et mon maître m'a conduit chez le vétérinaire, là où il y a des odeurs bizarres, un mélange de chiens, de chats, de drogues... Ils m'ont fait une piqûre et j'ai dû prendre des cachets atroces... pendant deux jours je me suis senti un peu mieux, Zébuth m'a ramené un souriceau, j'ai couru après et je me sentais heureux, je l'ai croqué de bon coeur mais j'avais quand même mal aux mâchoires... Le lendemain mes douleurs sont revenues, ma vue s'est troublée, je tournais en rond sur moi-même, je ne dormais plus, je passai la nuit avec ma maîtresse, elle ne dormait pas non plus, je n'arrêtais pas de la regarder pour qu'elle sache bien comme je voulais m'en sortir, j'avais trop mal, je n'avais ni faim ni soif, par moments je ne reconnaissais plus rien, j'avais peur, je prenais sans rechigner leurs médicaments, je me sentais de moins en moins fort, je voulais lutter mais j'avais l'impression qu'il y avait un obstacle insurmontable, j'avais mal, il m'a remis dans mon panier, il m'a ramené chez le vétérinaire, a mis de la musique dans la voiture , il me parlait gentiment, pendant quelques secondes j'ai senti qu'il m'aimait, je voulais dormir, je ne pouvais plus, il m'a posé sur une table noire, ils ont discuté un moment, ils m'ont piqué sans me faire de mal, et m'ont remis dans mon panier... Là j'ai senti que la douleur s'en allait , j'ai senti que je pourrais dormir et me reposer, j'ai senti qu'on allait rentrer que cette fois je n'aurais plus mal et qu'elle me caresserait longtemps, il m'a gratté la tête et dit des choses douces avec sa grosse voix, j'ai eu l'impression que je me levais pour jouer, je me suis détendu à fond et j'ai respiré tranquille... Après je ne comprend plus ce qui s'est passé, j'ai vu une grande lumière très agréable, j'y suis allé et tout d'un coup j'ai vu que j'étais en l'air , j'ai vu mon maître marcher sous mes pattes avec mon panier, je l'ai suivi jusqu'au jardin des poules, j'ai vu qu'il faisait un trou près de l'endroit où j'avais senti les dernières odeurs de la noire, j'ai vu qu'il me sortait du panier, qu'il me posait tout endormi sur un journal plié en deux, qu'il me disposait gracieusement, je me sentais très calme et sans douleurs, et puis les images sont revenues, celles du camping et de mes voyages, j'ai vu des lapins partout, des grenouilles qui sautaient, ma maîtresse m'appelait pour me donner du foie bien cuit, je reprenais mes promenades où je les avais laissées. Je n'avais plus qu'une idée en tête. | ||