METAPHYSIQUE DE POCHE ...
 
 
chien au ras du sol
Ducruet..©.2009. Honfleur
 
   Grave question, celle du Bonheur... L'Eldorado fit rêver des chercheurs de fortune, une espèce  qui n'est jamais éteinte, car de toutes les naïvetés, la plus courante consiste à chercher les portes du Jardin d'Eden d'où furent chassés deux ahuris par un Dieu pervers. Qui rêve de ventre  doux, de chaleur et de caresses, persuadé que les neuf mois d'avant la naissance furent un contrat donnant des droits, rêve d'apesanteur. de sourires et de grâces,  se rêve dans un va et vient d'enchantements, se voit contemplé, aimé puis dispensateur de bontés... Quel philosophe, ancien orphelin de Genève , recueilli par une aimable célibataire sur le chemin de ses dix-sept ans, nous confesse  que le destin consiste à sortir de l'oeuf plus poussin que jamais, puis à survivre aux mauvais penchants d'un monde injuste ? Ne dit-il pas qu'ayant de la vertu dans nos bagages, purifiés par l'air  des montagnes, nous sommes sur Terre pour gravir les sentiers du Bonheur, que tout l'oeuvre des princes et des républiques devrait consister à mettre des garde-fous et jeter des ponts sur ces sentiers , que dans les nuages les plus élevés, l'Etre Suprême nous attend pour nous féliciter?
Il faut une dose sacrée d'inconscience pour se fier à de si maigres perspectives. Personne ne nous attend dans les nuages, pas le plus minuscule des anges...  Que ferions nous avec des ailes dans le dos ? Se remplir et se vider dans de bonnes conditions, être un tuyau de qualité, tel est plus modestement le programme quotidien des hommes, fort semblable à celui de nos amis les chiens , bons imitateurs de leurs maîtres. Le tuyau n'étant ni percé ni entartré, les fluides s'écoulent sans reflux ni gargouillis et quelque part au-dessus des épaules, les têtes sont libres de vapeurs et de sifflements. Mais l'absence de douleur ne suffit pas à rendre heureux, le calme peut devenir ennuyeux, les jours se suivre trop semblables à eux-mêmes....
 
 
plage de Trouville
Ducruet..©.2009. Trouville.
 
  Nous avons inventé des distractions. La plus commune est de regarder vivre les autres depuis la terrasse d'un café ou sur une plage. Nous éprouvons d'incroyables plaisirs à voir remuer des jambes, respirer des thorax, sourire des lèvres, s'allonger des râbles, plonger des têtes sous l'eau, lancer des boules et donner des coups de pied dans les ballons. Ceux qui  profitent du soleil pour accompagner des yeux les enfants et les oiseaux des jardins, savent que la misère noire est celle des chambres d'hôpital et des prisons ... Il y avait à voir au Paradis et le Dieu qui avait planté l'arbre de la connaissance fut cruel d'interdire aux deux cervelles qu'il avait bricolées d'y cueillir un fruit pour le goûter... A jeter l'oeil sur  leur descendance, on se doute vite que ces deux créatures n'avaient guère de quoi rendre jaloux le Tout-Puissant... constamment occupées à des copulations, saisissements de corps. et affaires de plomberie... Ce fut un grand malheur de les jeter dehors, de les rendre mortelles, de les contraindre aux transpirations et aux disputes, de faire de quelques charmantes inconséquences profusions d'enfantements douloureux... Les bras et les mains qui servaient aux caresses condamnées à la pelle et à la pioche, les peaux si douces aux callosités et aux rides, les deux ou trois étincelles de raison aux études interminables et aux livres épuisants pour les yeux... Mais la plus calamiteuse des calamités c'est le peu de mémoire de ces créatures qui se racontent n'importe quoi sur le Paradis et se persuadent qu'elles peuvent le ramener sur Terre, ayant  imaginé qu'il existe un Dieu pour les ivrognes et autres fariboles à propos d'or, de fesses et de plaisirs. Des illuminés, des singes savants et quelques loups déguisés en agneaux  ont donc entrepris d'enseigner le Bonheur aux imbéciles, comme certains professeurs l'Art aux étudiants de la Sorbonne.  Nous sommes désormais sept milliards d'illuminés, de singes savants , d'imbéciles et de loups déguisés en agneaux. Sept fois plus qu'il y a cent ans et douze fois plus qu'à l'époque de César Auguste. Les merveilles du Monde ne sont pas plus nombreuses, par contre les centenaires abondent. Mais puisque notre tour de force est de croire que parce que nous sommes stupides et dangereux plus longtemps, nous avons de meilleures espérances de vie et de meilleures chances d'être heureux, je m'arrange près des portes ouvertes pour regarder voler les mouches et passer les filles...  
 
chien devant sa porte
Ducruet..©.2009. Honfleur
 
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