JOURS PLUS LONGS EN FEVRIER....
     
     
Février. Deauville. photo michel ducruet.
 
Ducruet..©.2009
 
     
Avec une vieille amie vous avez emprunté une voiture d'un certain âge pour prendre l'air au bord de la mer. Vous pensez à ce loulou de Poméranie qu'un certain Bressolles de Gaillac déposait tous les ans sur les plages de Sète, immobile et aveugle, ayant passé vingt et un hivers, ce qui est une prouesse olympique pour un toutou à pépère. Il restait là toute la journée et pendant une semaine il fallait le porter et le reposer matin et soir. Vers le dixième jour plus personne ne faisait attention à cette portion de peau de bête. Et brusquement on le voyait flageôlant, s'orienter comme une girouette le nez vers les vagues et fort occupé à respirer. Puis à peine plus rapide qu'un caméléon et très concentré sur son affaire , il approchait du ressac, se fixait là cinq minutes puis , toujours comme une girouette, il faisait aller sa truffe du côté des dunes et plaçait deux ou trois fois sa patte gauche devant la droite, jusqu'à ce que son pépère vienne le prendre dans ses bras et le couche en travers d'un coussin avec une soucoupe de lait et de mie de pain. Le lendemain il faisait dix mètres et huit jours après il se portait tout seul jusqu'à l'écume de mer y trempait une courte langue et revenait sous la tente  pour goûter un peu de terrine et des petits morceaux de jambon. Il rendait ses maîtres philosophes, car l'usage qu'il faisait des embruns et du soleil fut une leçon de sagesse. Les corbillards, tout cendrés et confortables qu'ils soient, n'emmènent pas voir la mer et mieux vaut se porter sur de vieilles jambes qu'avec des poignées de bronze. De toutes les bonnes fortunes , la plus extraordinaire consiste à mettre son nez au vent du large. 
     
Février. Paris, Opéra. La Danse de Carpeaux. Copie de Belmondo. photo michel ducruet.l
 
Ducruet..©.2009
 
     
Les cadavres ne sont pas fréquentables. Il faut les vider de leurs entrailles, les tremper dans le natron, les  décerveler par les narines et les lacer de kilomètres de bandes de lin  pour que l'air soit respirable. Au Fayoum on leur posait sur le visage leur portrait d'avant la mort et on les rangeait debouts, au mur des salles à manger, pour qu'ils assistent aux banquets et aux danses. On le sait parce que des archéologues subtils se sont aperçus que ces momies avaient des moisissures aux pieds, signe de passage des serpillères aux heures de ménage. Vous posez vous aussi vos pères et mères sur les cheminées, encadrés d'or ou de nacre, réincarnés en deux dimensions et quelques fois en couleur. Mais les momies ne trompent personne. Au bout de trois ou quatre générations, elles encombrent et on les fourre dans des caveaux ou des tiroirs. Pas question de les planter dans les squares ou de les accrocher aux murailles. Sur les cheminées trop de  poussières fait passer le chiffon... Il y a des statues de pierre pour succéder aux hommes. " Parles, mais parles donc " Michel-Ange énervé jetait parfois l'outil sur l'oeuvre. Pygmalion eut de la chance mais personne n'a dit que sa créature fut ravie de prendre chair et de périr comme telle, au lieu de braver les intempéries pendant dix générations. L'Art nous déguise  mais nos génies ne nous prolongent pas plus que nos tisanes. Sur les chemins que nous avons pris nos empreintes font des zig-zags. Nous posons des pierres en passant les cols. La brume nous enveloppe et  nous ne voyons pas plus clair dans nos têtes que sous nos yeux.  Nous n'avons qu'une chance de ne pas mourir idiots :  entre les fêtes marcher en silence. 
     
Normandie. Février à Verneusses. photo michel ducruet.
   Ducruet..©.2009  
     
     
     
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