"Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire..." Il est vrai que nous avons la tête plus fragile que les oreilles.

Une fois par an, nous allons remuer le gravier des cimetières pour laisser des fleurs à certains endroits que nous n'oublions pas. En novembre il ne fait pas beau, les nuages sont bas, il vente, les jours sont gris. Nous n'en sommes que plus au chaud dans notre manteau et plus pressés de rentrer. Moi, je préfère la fin du printemps et le début de l'été, quand les jours sont immenses, les ciels jeunes et les fleurs naissantes. Il fait chaud dans les cimetières, les églises n'ont rien de sinistre, les pigeons roucoulent, quelques lézards chassent les mouches et au hasard des tombes la vie reprend des couleurs étranges. Dans un coin discret les gardiens entassent les fleurs fanées et les pots cassés. C'est aussi étonnant qu'un Pollock, peut-être plus riche en traces et autres signes de passage. Ici viennent mourrir les métaphores...

Les fleurs coupées ne "tiennent" pas. Il fait trop chaud ou le vent les renverse. Les regrets ne sont donc pas plus éternels que la jeunesse. J'ai remarqué une pierre ou des colombes tiennent au bec un ruban doré. Une dame est enterrée là. A droite de la colombe un monsieur a fait graver son nom et sa date de naissance suivie d'un trait d'union... "Attends-moi, j'arrive..." le gardien qui passait dans l'allée s'est retourné pour voir s'il n'y avait personne, a lorgné mon appareil photo et m'a dit tout bas pour éviter que la dame entende :" Elle peut toujours lui faire de la place! il est à Caen dans le caveau d'une amie d'enfance!.."

Ainsi fait l'éternité. Faute de sérieux mais avec courage, les hommes ont donc fabriqué des fleurs qui durent pour des amours fragiles et des regrets inconsistants. Fallait-il le dire?