L'ART TRES RAPIDEMENT.... | ||
Quelqu'un taillait une pierre pour se faire une pointe de lance. Le
silex qu'il avait trouvé était d'un grain très régulier et l'homme
avait la main heureuse. Les éclats se détachaient semblables les uns
aux autres, si bien qu'au bout de quelques minutes cette pointe
présenta des lignes très pures et l'homme se mit à rêver qu'elle
s'enfonçait sans bruit et d'un seul coup dans le thorax d'une antilope,
que la bête à genoux se couchait sur place et perdait le souffle avec
le sang.
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L'homme,
avait un sourire sur les lèvres et dans ses yeux passaient des
lumières. Il se dit qu'avec des pointes comme celle-là, ses bras et ses
yeux seraient plus sûrs, il se dit qu'il n'était plus le même et que
dans son corps une force magique allait et venait. Il se dit que cette
magie pourrait faire un silex qui obéisse au doigt et à l'oeil, une
lance qui volerait seule, qui choisirait la bête la plus grasse et la
plus vive. Il rêva qu'il chassait avec les dieux.
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D'autres
hommes eurent d'autres curiosités. Plus portés sur les femmes que sur
les antilopes, ils tentaient de savoir une fois pour toutes ce qui les
détournait parfois de la chasse et par quelle magie secrète leurs
compagnes à la voix aigüe, forçaient les yeux des chasseurs à se poser
sur elles. Avec plus d'enthousiasme que de talent, par nécessité plutôt
que par jeu certains réussirent à fixer dans la pierre ou l'ivoire les
formes de ces magiciennes. Ils grossirent ce qui méritait de l'être là
où justement leurs charmes avaient le plus de forces. Nous ne saurons
jamais ce que ces hommes finirent par penser.
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Plus
tard, incroyablement plus tard, dans un royaume dont on ne connaît ni
le nom ni l'écriture, un homme savait fondre et forger les épées des
rois.Il savait que la chair des Dieux était d'or pur et que les dieux à
la différence des rois, ne prenaient pas de rides. Un roi plus malin
que les autres se disant que les ennemis comme les Dieux sont partout,
que les rides présagent de mauvais augures, fait venir cet homme, lui
commande un masque d'or dans le plus grand secret et se l'étant collé
au visage de jour comme de nuit règne plus vieux que son père.
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Un secret de roi devient vite celui d'une reine et de chambre en antichambre quelle courtisanne puis quelle belle fille n'a pas voulu gommer des rides. Les masques d'or ne sont plus que des masques de carnaval. Les hommes à mesure qu'ils se sentent plus forts et plus riches, que les progrès de l'économie rendent les plaisirs universels et semblables, les hommes s'intéressent aux détails. Ils veulent tout savoir sur ce qui s'est passé derrière les masques d'or. Ils veulent renifler la morve de leurs vieux maîtres et se rengorger de leurs vieilles forces, voir leurs cadavres comme Néron celui de sa mère dont il loua les formes. Rien jamais ne sera trop obscène et surmontré par les casseurs de l'homme et les bienfaiteurs du Marché. Quand les masques tombent, que les loups chassent les loups, que chacun est une marchandise et que toute marchandise prend la parole, les drames sont impossibles, les tragédies n'ont aucun intérêt, il faut rire...et se moquer du monde. | |
Pour ces raisons, tout ce qui permet de se tenir debout entre le carré noir des choses et le carré blanc des idées, entre le bleu du ciel et le brun de la terre, entre la lumière du jour et l'ombre de la nuit,entre la végétation et les chevelures, entre le passé des formes et la forme des couleurs, tout cela vaccine et protège de la folie ordinaire, fait de la place à des vies inattendues, non désirées, pour une fois surprenantes. Il n'y a rien à dire. | ||
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