LES MAITRES DU MONDE.... Docu (4) | ||
Ducruet.©.2005. |
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.............."Dites-moi, Bôzes, vous qui savez tout..." Maximilien s'était approché de la fenêtre, il se penchait un peu, la main sur le front. ..............Bôzes avait l'habitude. Quand les énarques traînaient en réunions, le Ministre s'énervait le mardi. Le Président se tournerait de son côté avec l'air de ne pas y toucher, attendrait la fin du Conseil : " Maximilien je veux tout savoir sur cette connerie, on se voit demain à neuf heures..." Les nouvelles n'étaient pas réjouissantes. Le suédois du FMI l'avait retenu par la manche rue de Varennes et ils étaient allés chez Rottweiler. "Je dois vous dire, Bôzes, que mes patrons commencent à brailler dans les couloirs... Ca fait quinze ans que la productivité ne bouge plus dans la zone euro, on dépose quatre fois moins de brevets que les américains, nous pèserons moitié moins que la chine dans une génération. Les chercheurs sont pauvres, éparpillés et découragés... 80% du budget européen passent dans les poches des agriculteurs, le sauvetage des traînards, les basses-fosses de la République... Vous vous rappelez le coup des vaches corses?... Le peu qui reste est distribué en petits paquets, comme les chars en 40..."Bôzes prit une assiette de surimi et un ballon de blanc, il connaissait la chanson du FMI. "Maximilien vous en savez autant que le Suédois. Deppler arrondit les angles, mais les autres commencent à nous lâcher... Les Suisses me tapaient dans le dos à Genève :" Ah Bôzes... profitez-en, vous avez encore les touristes... Après tout chez vous c'est plus varié et plus joli que la Floride... " je vous le dis, Maximilien, la France et l'Europe de 2030, ce sera le carnaval de Venise ad vitam aeternam... peut-être l'Argentine..." Le Ministre faisait la gueule. Un rapport des douanes et quelques coups de téléphone l'avaient inquiété. Les gros céréaliers, les grands champagnes et les bonnets de la viande achetaient à tour de bras des domaines énormes en Russie, Pologne, Argentine, Brésil etc... les subventions de Bruxelles foutaient le camp de l'Europe... Les Canadiens et les Américains reprenaient à la pelle des vignobles, des haras, de la terre en vrac...des résidences secondaires.... Le pays changeait de mains doucement et sûrement... Sans parler des bateaux d'objets anciens qui partaient en Extrême-Orient... La fille de G***, d'autres anciennes du Bal des Débutantes faisaient partir d'innombrables containers chez des antiquaires franchisés de Shangaï et des rives du Pacifique... Sur le demi-siècle 30% des terres passeraient aux fonds de pension, définitivement irrécupérables... " Vous savez, je ne vous ai pas attendu pour savoir que nos rentiers rêvent de faire construire en Patagonie..." Bôzes ne disait rien. Entre l'écoeurement et l'envie de rire, il passait à la caisse des ministères, on le consultait pour les petites et les grandes affaires, il avait les mots qu'il faut pour soulager les consciences et simplifier les problèmes. Au fond c'était un phobique de l'Enfer au service du Diable. Il n'aurait pas supporté d'autre existence que la sienne, spectateur et commentateur du règne des autres... Il n'aimait pas ce monde et vivait dans celui qu'il s'était fait. Pourtant son enfance ne le lâchait jamais et si on avait pu creuser dans sa tête, on y aurait trouvé des images merveilleuses et des admirations sans bornes pour les brins d'herbe, les bêtes, les coeurs purs et les chefs-d'oeuvres. " Maximilien, vous n'êtes pas encore assez taré pour comprendre ce qui se passe... Ce sont les cervelles qui changent de propriétaires... " Il eut un grand éclat de rire, presque joyeux... " Max, c'est un monde plein comme un oeuf, l'autre a disparu... Il n'y a plus de terrains vagues dans les têtes, tout est visible, tout est montré... Tout est explicable... Il n'y a de place que pour les folies des Maîtres et des larbins..." "Bôzes, ça vous fait rire?" Maximilien n'avait plus de convictions depuis longtemps mais il se flattait en privé d'aller dans le sens du Progrès et de la Démocratie. Après tout il était antiraciste et contre les discriminations, il croyait au dialogue... " Ce qui me fait rire, Maximilien, c'est que vous n'ayiez pas deviné à quel point les mots n'ont de valeur que s'ils deviennent des images... Ce cher Platon crut un jour à Syracuse qu'il ferait du Tyran un nouveau Périclès... Diogène, lui, s'il avait assez vécu, aurait levé sa lampe sur la petite moustache et craché sur Adolphe en disant qu'il cherchait un homme... Vous savez, Je viens d'apprendre que jusqu'au bout Hannah Arendt fut amoureuse de Heidegger, même après qu'il l'eût trompée avec Hitler... " "Pendant que vous y êtes dites-moi que Staline se faisait tirer les cartes par des manouches..." "Maximilien c'est aussi vrai que la pleine lune et encore plus vrai que deux et deux font quatre..." "Mais alors..." "Alors rien, Monsieur le Ministre, vous faites un sale boulot et le peuple compte sur vous pour qu'on lui foute la paix les jours de congé." "Bôzes, comment voulez-vous que je dise ça au Président?" "Dites-lui qu'impossible n'est pas Français, il se sentira coupable ..." |
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CARNAVAL.Ducruet.©.2005. |
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