COMME UN ART.... EMMAUS (1)
SEINE MARITIME : EMMAUS Le HAVRE ..................Hameau du Tronquay 76930 Octeville-sur-mer
     
Emmaüs. Le Havre. Bouquet. photo michel ducruet...........................Emmaüs. Le Havre. Bouquet. photo michel ducruet.
 
Ducruet.©.Emmaüs Le Havre. 2006
 
     

....Ces fleurs ont été posées sur les tables pour effacer les marques de l'abandon... Ces meubles sortis de chez les vieillards, ont échappé aux cimetières. Ils tentent une autre vie, comme les chats de la S.P.A ou les ex de sous les ponts et de la prison. Ils ont passé trente ou cinquante ans sous la surveillance de dames qui depuis sont mortes ou ont perdu la tête. Ils ont dix mille fois pris le café, reçu un coup de chiffon, supporté toutes sortes de conversations et de confidences... On y a posé des lettres et des factures ...

Quand ils commencèrent à rendre service, la dame avait encore de belles jambes. Les mains du monsieur remontaient souvent des chevilles jusqu'au terminus lorsque le cendrier et les petits verres se donnaient rendez-vous. Les caniches et les petits enfants prirent de l'importance à mesure que fuyaient les jours et que l'on passait des talons aiguilles aux pantoufles à pompons roses... Puis il n'y eut de bruit que les bavasseries de TF1, le Grand Prix Européen de la Chanson, le tirage du Loto... Un jour ils s'aperçurent qu'ils avaient des taches et que leurs napperons étaient de travers. Puis il y eut des semaines de silence et de volets fermés jusqu'à ce mardi ou ce jeudi, qu'importe, où un type à moustaches et un tatoué sur l'avant-bras firent tout descendre par les escaliers jusqu'au dix tonnes grimpé sur le trottoir... La rue avait changé, il n'y avait plus d'autos de couleur comme dans les années cinquante, les grises et les foncées se serraient pare-choc contre pare-choc, aucun gamin ne jouait aux billes ou à la toupie et il y avait des crottes de chien à profusion...

Le voyage fut court et le débarquement ne prit que dix minutes. On les posa d'abord en plein air, quelqu'un fit le tour, dit quelque chose au tatoué qui roulait une cigarette, le pied sur le plateau d'un diable. Puis vers trois ou quatre heures de l'après midi ils furent amenés dans le hangar. Marcel et Omar se chargeaient de la mise en place. Il fallait accorder les tables basses et les canapés, ne pas trop serrer les buffets ni les salles à manger. Omar s'en foutait un peu, il avait remarqué que les brocanteurs et les antiquaires du matin ne faisaient pas de sentiments. Marcel qui avait été heureux chez sa grand-mère, n'avait rien oublié du moulin à café, de la boîte en fer du sucre en morceaux et de son bol de café au lait en terre vernissée avec de grosses fleurs jaunes et vertes. Il lui arrivait de rester seul au milieu du bric à brac, il s'y promenait pour une cure de souvenirs, ses disparus reprenaient leurs histoires où ils les avaient laissées, vidaient quelques verres de plus, défilaient dans ce hangar comme s'ils avaient jeté leurs cannes et toutes leurs infirmités pour dire une fois encore qu'il n'y a rien à regretter de foutre le camp puisque le plus dur est fait quand on accepte de naître. Ces impressions le tenaient si fort qu'il ne pouvait s'empêcher de mettre partout des fleurs, de donner un air à ces objets déportés comme s'il y avait une chance qu'ils offrent quelque mode d'emploi de la vie. Il ajoutait par ci par là une broderie, un flacon... choisissait un vase, arrangeait les fleurs. Il faisait l'orphelin. Pour le sortir de là, ses copains n'avaient pas trente six solutions, ils passaient en fin de journée lui filer une bière, lui taper une cigarette et raconter des blagues comme si de rien n'était.

     
Emmaüs. Le Havre. Bouquet. photo michel ducruet........Emmaüs. Le Havre. Bouquet. photo michel ducruet........Emmaüs. Le Havre. Bouquet. photo michel ducruet.
Ducruet.©.Emmaüs Le Havre. 2006
     
     
     
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