L'ENERGIE DE LA MORT. (Après lecture de l'ouvrage de Jean-Marc JANCOVICI :"L'avenir climatique" ) ed.du SEUIL coll.Points. S163. 2002. | ||
Démosthène forçait la voix en articulant face à la mer avec des cailloux sur la langue. Il voulait avertir les citoyens d'Athènes des malheurs publics qui leur pendaient au nez. En fait lorsqu'un peuple est mûr pour sa disparition, on peut lui dire n'importe quoi, il ne réagit plus, il traîne... Ses paroles ne sont ni plus ni moins intéressantes que les bruits de la circulation et si quelques vieillards pleurent dans leur coin sur la fragilité des choses humaines, le reste de la population s'occupe sans mémoire ni remords, copule, commerce, intrigue, défèque et mange. |
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Ducruet.©.1998. | ||
.......................Les hommes ont peur de la mort. Mais s'ils frissonnent, ce n'est pas de trop savoir, c'est de manquer. Ils craignent pour leurs très chères habitudes, comme si le sommet du bonheur consistait à faire demain ce qu'on fit la veille, à saisir comme avant-hier l'argent d'aujourd'hui, à grossir chaque jour devant son assiette de désirs. Le "Progrès" fait partie des tartines de bienfaits dont nous tremblons de nous priver. Nous vivons deux fois plus longtemps qu'en 1900, nos pauvres auraient été riches au temps de Jules Verne. Nous grillons des viandes à profusion, vivons au large, nous déplaçons à volonté sur la planète à la vitesse d'une balle de fusil, nous avons chaud en hiver, frais en été, nous mangeons sans penser aux saisons. Nous asseyons nos enfants de deux ans dans des voitures de deux tonnes sur la route de l'école... C'est une vie de héros ou de dieux si on la compare à celle des bergers antiques. Dans quelques années des milliards de chinois et d'indiens joueront avec nous dans la cour des grands. Nous serons innombrables à passer le temps.... |
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Pendant des millénaires , le monde marchait à la voile et à l'huile de coude. Faire un clou exigeait une enclume et on gagnait son pain à la sueur de son front les bonnes années. De pauvres bêtes nous aidaient à tirer nos charrues, faire la guerre ou prendre de la vitesse. Une lettre de Marseille débarquait à Anvers en trois semaines au Moyen-Age, en un mois à Saïgon, au début du vingtième siècle. Nous n'avons plus rien de commun avec ce monde là, nous avons de l'énergie en masse. Les cadavres accumulés des plantes et des animaux devinrent des hydrocarbures au fil des millions d'années. C'est en brûlant ces fossiles que nous faisons tourner les moteurs et prenons des loisirs. | ||
Ducruet.©.2005. | ||
.......................Tout serait idéal si les combustions accéléréees ne dégageaient des vapeurs dangereuses dans les villes et d'énormes quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. L'air n'est plus le même. La Terre se réchauffe en vitesse et personne ne peut dire ce qui se prépare. En cent ans notre débauche d'énergie nous a multipliés par sept et a sauvé les riches de l'obligation du partage... D'elle naquirent les guerres mondiales, les entreprises multinationales, les sociétés de consommation, les flots d'images rapides comme la lumière... Mais une planète qui chauffe devient ingrate et rend les hommes insupportables... Que faut-il faire pour que nos vies soient improbables et notre sommeil éternel? ... | ||
Ducruet.©.2005. |
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.......................Un ingénieur répondra qu'en baissant le prix du kilowattheure on est sûr d'organiser le gaspillage, c'est à dire la frénésie matérielle. Mais en supprimant le nucléaire civil nous serions obligés de recourir aux énergies fossiles, et nous ne diviserions pas par 15 notre besoin d'énergie pour éviter l'augmentation de l'effet de serre... en construisant des autoroutes et des 4x4 climatisés à profusion, nous allons confortablement dans le mur... de même qu'en multipliant les parkings et autres facilités pour l'automobile... en mettant le paquet sur l'habitat individuel nous envoyons en l'air deux fois plus de kilogrammes équivalent-carbone... en construisant davantage d'aéroports du type Roisy, en incitant les crétins aux baignades dans les mers chaudes, en continuant de subventionner une agriculture productiviste, en laissant le tiers monde fonctionner au charbon et au pétrole, en maintenant une augmentation continue des productions et des déchets, en accélérant par principe le laisser faire et le laisser passer des marchandises et des hommes à l'echelle mondiale, en permettant coûte que coûte de se déplacer vite, pas cher et à volonté, en étalant les villes au maximum, en accélérant le transports aériens, en développant davantage les centres commerciaux hors des villes, en forçant aux coûts minimum pour des produits industriels tels que le verre, le ciment, le plastique, l'acier, le papier, en chauffant et climatisant des logements de grande superficie, en mangeant beaucoup de viande pas chère ( 1 kg de boeuf exige 50 fois plus de surface cultivée qu'un kilo de blé qui déjà "consomme" un litre de pétrole), en réduisant au maximum les travaux manuels au profit des machines, en tolérant le bruit, en négligeant les pollutions... en s'habituant aux embouteillages, en gagnant toujours plus dans l'attente de mener une vie tranquille, en faisant le moins d'exercice physique possible... Nous nous préparons au désespoir, au cannibalisme ou aux triomphes des bactéries et des virus. Si nous avons encore quelques instincts, quelques envies de vivre ou de faire vivre, si nous avons quelques plaisirs à garder les pieds sur Terre, il se pourrait qu'il faille prendre les armes pour défendre les fleurs et les papillons... ce qui ferait de la place aux enfants bien élevés et aux cervelles bien faites. |
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Ducruet.©.2003. |
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