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................................Quel est le plus beau poème du monde? A-t-il été écrit? Reste-t-il à faire? Les poètes sont-ils plus écoutés que les fous? Que faire des poésies secondes rangées dans les bibliothèques? Je sais, j'ai toujours su que la poésie ne serait pas mon métier. Je n'en fais pas. J'en lis peu. Pourtant je suis avec, un pied dans la lumière, l'autre dans le noir. Envers et contre toutes les pressions pour que je parle aux normes, sente et conçoive comme tous, par un miracle de la méfiance et parce que j'ai le nez creux et large, je me mis à quinze ans sur des bas-côtés, j'appris les tours de l'esprit avec facilité et gardai mes pensées, gentil à l'extérieur. Plus rien à craindre des moutons qui, chacun le sait, sont des animaux insupportables parcequ'ils ont trop de coeur au lieu de cervelle. J'avais des ancêtres dans d'innombrables livres et des racines de part et d'autre des barrières . Je m'inventais la vie. J'ai poussé en cave, comme les endives. j'avais quelques amis, choisis au hasard, mais ils avaient des secrets, des silences sur certains points comme on fait avec les gens qui ne sont pas du même monde, qui ne voient pas la même chose au bon moment. Je les ai quittés sans regrets, je doute qu'ils m'aient vu partir. Au cours d'une visite, pendant qu'on s'occupait du potage de bébé, on me demanda ce que je devenais. Je parlai de Peinture. On se tut quelques minutes. On se leva . On me dit qu'on avait beaucoup à faire et on me vira . Jeté dehors avec une crécelle, c'est ainsi que je vis la première fois le cul des rejetons de la classe moyenne. Plus tard, Je vis grandir des petits fort malins et dévoués à eux mêmes, qui finirent à la Sorbonne, aux Affaires étrangères, aux Finances et autres lieux de félicité pour les humbles. Je vis comment les appétits prennent formes d'idées et de bonnes compagnies... ................................Je suis né de bonne souche. N'ayant quand j'y pense que des jours ensoleillés dans la tête, n'ayant connu longtemps que des pays sans hiver, je fus maladroit à deviner les frileux et pris trop de vessies pour des lanternes. Il arrive qu'on soit seul sans le savoir. Il y a toujours de bonnes âmes pour vous dire que vous êtes malheureux comme une pierre, moi, j'étais heureux comme un cochon. Heureux de me cacher dans les toilettes pour finir un Walter Scott, un livre de grandes chasses ou le Kessel piqué à mon père. Quand sonnait l'heure des râclées elles étaient physiques et intenses. La morale n'y était pour rien, j'avais découpé des chaussures pour faire un lance-pierre, taillé un piquet avec le sabre de l'oncle Fructus à Fontenoy, rapporté des courses autre chose que la commande....De ce côté-là j'appris seulement à mettre un peu d'ordre dans mes emplois du temps. Les comptes étaient réglés et équilibrés. Personne ne s'est mêlé de mon âme. Ayant boxé un abbé, suivi trop de grand-messes et de messes basses, appris le meilleur latin et le grec ( excellents antidotes aux déversements de Bibles), sifflé quelques burettes et chanté le grégorien, je l'ai remplie d'indifférence à l'enfer, au ciel et à la mode. J'aime la vie un point c'est tout. Hélas la plupart des hommes rendent des comptes aux flancs et aux mamelles de Maman la Déesse. Les arts, les sciences et les ministères servent la monnaie. Tant il est vrai que c'est la vache qui fait le taureau, et que cet imbécile croit dans l'arène qu'un peuple vient l'aimer. Ce qui pourrait être le jeu supérieur de l'esprit, joué sans vergogne ni crainte de perdre, n'est donc en général que grimpettes et courses d'escaliers vers des étages où les aventuriers rêvent de voir le monde d'un seul coup. Cette sauvagerie fait parfois des miracles: il arrive que la pisse d'âne devienne du vin. Il arrive qu'au dernier étage du monde quelques clairvoyants mesurent les vides et qu'au lieu de faire dans leur froc et sur leurs chaussures, ils décident de repasser aux étages inférieurs, se mêlent aux uns et aux autres, s'arrangent pour que dans le troupeau les innocents rêvent et jouent plus longtemps. Les poètes, les artistes, les singuliers de la vie, les solitaires, les voués, les grands pêcheurs, savent qu'il suffit de naître pour apprendre à rire et que l'homme n'est rien sans l'horreur de la fin. "Ôtes-toi de mon soleil" ce fut dit par Diogène à l'intention d'Alexandre.... ................................Mes voeux les plus chers et les plus ardents sont pour les Mozart qui traînent paraît-il chez les Manouches , pour les singuliers rétifs, pour les talentueux qui donnent aux pauvres. |
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Middle-class
en érection
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