SANS BRUIT NI FUREUR ...
 
 
Huile sur toile. Ducruet.©. 30x90 cm.
 
 
 

Un bandeau a été coupé en trois trapèzes. A gauche une tête à l'envers et endormie. Au centre un trapèze plus dense, plus coloré et contrasté. Deux fragments de personnages s'y entassent avec des boules vertes sur fond gris. A droite , toujours sur fond gris, une esoèce de monument en rouge à colonnes et marches d'escalier qui ressemble à un temple. Les couleurs sont parfois vives: les bouches, les chevelures, les vêtements, le temple, les yeux. Ailleurs sont amortis les ciels en gris plus ou moins pâles, les parties ombrées des visages, et les végétations en verts plus ou moins retenus. L'ensemble ne raconte rien, puisque ces fragments ne renvoient qu'à un vrac de scènes perdues dans un passé indéfini. Certes il y a le parti-pris d'une sorte " d'Antiquité " rêvée, à peine plus localisée que l'île des morts, un peu Toscane, plus "renaissante" que tirée de l'archéologie. Ces fragments remontés ensemble par une main peu soucieuse de vraisemblance, d'envers et d'endroit, sont une manière de puzzle où les portions de couleur sont calées dans des formes précises et arbitraires à la fois. Des végétations réduites à des boules irrégulières, des chevelures en juxtaposition de croissants, un temple ou mausolée sans ornements, le vêtement en quelques morceaux à plat... les visages simplifiés en lignes, les yeux formant ellipse, les passages du clair au sombre réduits à des clôtures... Cet agencement de réticulations découpées dans des plaques fait une sorte de mosaïque où l'activité de la peinture s'est dénuée de gestes, de modulations fines, de frémissements de matières, de tout le maniérisme habile qui fait la réputation des artistes de chevalet, cuisiniers de pâtes fines et agités du bocal. On ne verra pas ici d'explosions, de déchirures, de grafitis, de coulures, griffures, salissures et merdes écrasées à la gloire d'un ego en souffrance ou d'une société en panne... Pas de "collages" finauds pour en dire long sur les mules du pape, les vulves marchandes, les tortures d'innocents, les souffrances des pauvres et la flagornerie des riches... Pas d'enthousiasme communicatif. Pas de ricanements sur les gloires défuntes. On ne pisse ni ne virgule sur les peintures anciennes...

S'il est vrai que seuls les morts sont civilisés, il est patent que les vivants se fatiguent et meurent de trop de spirales autour du soleil. Tourner sur une boule n'est pas une vie. Il faut des mensonges et de la curiosité pour voir plus loin que le bout de son nez. Quel chaman s'est empiffré de psilotes pour voir les mammouths en rose, battre des ailes au-dessus des montagnes et copuler enthousiaste avec sa callipyge ? Les prophètes , grands orateurs, hallucinés de l'avenir et dresseurs de peuples ont taillé des routes pavées de promesses, montré les chemins du ciel et désigné les portes des enfers... Il y en eut un qui se fit becqueter l'oreille par un pigeon voyageur déguisé en archange Gabriel... Ces camelots ont eu le mérite de faire travailler l'imagination des malades, de lancer les frustrés dans de saintes perversions, de plier les femmes à l'ingratitude des hommes et de rassurer chacun sur les troubles de sa vision. L'humanité prolifère et plus ils sont nombreux moins les hommes portent le poids du monde sur leurs épaules. Déchargés de trop de science et d'efforts, ils se racontent les uns aux autres et dressent les monuments de leur splendeur. Leurs ancêtres faisaient de la place aux bêtes, aux murmures d'une infinité de fées, de nymphes et de génies ... Ceux d'aujourd'hui tirent du pétrole et de leur entre-jambe ce qui suffit à leurs étonnements et à leurs surprises. Il y a tant de couleurs, de bruits, de vitesse, de dangers et de plaisirs dans les cités, de vie souterraine et de courses poursuites que sous le soleil et la lune suffisent le béton, le désir et la chair pour emplir l'existence et peupler le langage... L'Homme est l'horizon de lui-même et la société son Olympe ... Il ne peut plus désespérer de grand chose. Il suffit à son bonheur et son bonheur est clos. Encore une ou deux générations pour que les corps prennent le pli des nerfs et des substances porte-bonheur, que la mémoire soit déplacée dans des nuages, que les machines insinuent les ordres et dévoilent les lendemains obligatoires...

Il restera dans les cendres des feux de joie, des morceaux d'images, des découpes de mythes que des réfractaires au Bonheur et au Réel s'amuseront à recoller, pour voir si .....

 
 
 
 
 
 
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