...............................................Les coiffeurs savent ce que nous avons derrière la tête. Ils proposent de saines lectures aux clients. Sans elles, personne ne connaîtrait les dessous d'une vie de star, les secrets inavouables des serial-killers où ce que Mars et Vénus nous préparent dans le zodiaque. La destinée des individus obéissant aux mêmes lois que celle des empires, les astrologues ont beaucoup à faire. D'autres devins suffisent à peine à chasser les brouillards que nous avons devant nous. Des montagnes de jeux de cartes, des camions de boules de cristal, des valises de pendules, des milliers de tables tournantes apportent un peu de lumière quand mediums, voyants et marabouts se mêlent de nos affaires. Des poulets se prêtent aux sacrifices, des gouttes de plomb fondu tracent des vérités dans l'eau froide et parfois nous savons ouvrir les yeux dans les marcs de café...

Le Soleil fut le meilleur de nos amis. Nous sommes capables de le suivre jusqu'au bout de la Terre, il prolonge nos vies. Dans les livres d'enfants, il ressemble à une pièce d'or et son éclat donne des fleurs aux couleurs enchanteresses. Dans les magazines, les tirages grimpent dès le mois d'avril et dans l'Histoire on a vu que les guerres éclatent lorsque les jours grandissent. Les femmes l'adorent et le craignent parce qu'il les bronze et laisse voir leurs formes... Il y a des centaines de milliers d'années que nous avons appris à faire du feu pour prolonger nos journées et nos belles saisons. La lumière et la chaleur nous ont protégés contre les fauves. Nous avons construit des machines qui maîtrisent le feu, nous permettent de voler dans la stratosphère, d'avoir les plages à portée de nos mains, de laver notre linge sale, refroidir nos fromages, transmettre nos messages et nous montrer le vaste monde... Des satellites nous aident à retrouver nos belles-mères, nous avons des robots à roulettes sur Mars. Des touristes fortunés se paient des tours de planète à cent kilomètres d'altitude et nous dispersons les cendres de quelques défunts privilégiés à six mille kilomètres de la Terre... Les choses changent sous le Soleil... Notre destin se précise. L'Avenir de l'Homme n'est plus dans le mouvement des étoiles. Quelques prophètes le voient dans les yeux des femmes mais nous avons appris à craindre les lendemains qui chantent... C'est dans les ordinateurs qu'on le trouve, quand ils initialisent des modèles de circulation des masses d'air et nous affichent les températures. Il est prouvé que nous avons de plus en plus chaud sur la Terre et que nos carottes cuisent plus vite que d'habitude.

...............................................Notre paradis terrestre va bientôt nous brûler les mains, nous ne pouvons pas le laisser pour aller voir ailleurs. Nous avons tout transgressé, nous n'avons plus rien à transfuser dans nos veines, plus de monde à conquérir, plus de civilisations à digérer, plus de progrès à faire. Nos obèses n'éclateront pas, ils se multiplieront. Nous sommes au-delà du Bon et du Bien. Il nous reste une génération pour nous sauver, c'est à dire crever nos certitudes, morales et passions... La Terre nous échappe et le Soleil ne nous aime plus. Coincés entre le marteau solaire et l'enclume des rejets atmosphériques, piteux au milieu de nos chimies, nous devons parier sur des révoltes inconnues et inclassables pour jeter bas la prison des amours et des conventions qui nous tiennent comme des sardines dans un filet, réduire les températures, rendre la pluie dans les déserts, embarquer les hommes et les bêtes dans le même bateau... Le déluge, une fois encore, mais cette fois pour noyer le cauchemar des sociétés nerveuses, en finir avec les sourires excessifs de l'humanité chatouilleuse d'elle-même...

Le Destin n'a plus rien à voir avec les signes du Zodiaque. On dirait qu'il serpente entre les nuages, que nos chances ont l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette et la consistance des dioxydes de carbone, oxydes d'azote, méthanes, fluorures et vapeurs qui s'échappent de nos pots d'échappement, réacteurs, centrales et troupeaux innombrables de hamburgers... Il est encore temps de se moquer du monde, sous peine de mort...