LE PIEGE IDENTITAIRE? ... | ||
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Ducruet.
©.2009.
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De part et d'autre du mourant, des diables et des anges gardiens faisaient une sorte de tir à la corde pour que son âme descende en enfer ou grimpe au ciel. Cette vieille image d'épinal et celle du pauvre bougre entre un docteur " tant pis " et un docteur " tant mieux " en disaient long sur l'éphémère de la santé. Il en est des nations comme des hommes. En 2009 il paraît que la France prend des rides, fait de la fièvre, perd le moral. On s'empresse donc auprès de la tante à héritage. Les inquiets lui veulent du bien, les charlatans refilent des ordonnances. Ses amis font des têtes d'enterrement . Des envieux, des hypocrites et des rapaces se frottent les mains. Nos élus nous invitent à discuter de l'affaire. Un ministre joue de la crécelle et du blanc de l'oeil, des cloches sonnent du côté de l'opposition, dans les sondages le bouillon bouillonne. Si j'étais Jeanne la Lorraine ou Du Guesclin le Breton, je prendrais les armes, histoire de jeter dehors les pillards et les voleurs. Mais je n'ai plus l'âge d'entendre des voix ou de courir les tournois. A force d'avaler les couleuvres électorales et de voir rouler des joueurs de flûte sur les Champs-Elysées, j'ai bouclé la radio et débranché la télévision. Dans mes livres, l'histoire de France est celle d'une pétaudière agitée de guerres civiles avec de temps en temps des accès de bon sens qui nous incitent à dire moins de mal les uns des autres. Les Capétiens couvrirent d'un manteau d'hermine une incroyable diversité d'hommes et de paysages. Sous leur main de justice on changeait de langue tous les cinquante kilomètres, parfois de religion. Il y avait des coutumes bizarres un peu partout, parfois du droit romain. Les poids et mesures étaient plus nombreux que les foires dans ce royaume, les exceptions étaient de règle et les règles changeaient plus souvent que les fromages. Par un de ces miracles que nous aimons bien, ce peuple d'emmerdeurs inventa la guillotine et la jalousie universelle, coupant des têtes de grands et tirant sur les jambes des petits pour égaliser les tailles... Bonaparte distribua des Codes Civils, des Légions d'Honneur, des uniformes et des feuilles de route... Quelques révolutions de plus, quelques fusillades en famille, quelques claques données par des voisins, quelques aventures lointaines et cahin-caha par la petite porte et quelques coups fourrés l'Histoire de France tira la République de son chapeau. Cette bonne fille inventa l'école pour la moitié des français qui ne savaient pas encore lire, envoya ses paysans au Tonkin et en Afrique avant d'abreuver ses sillons de quinze cent mille morts à peine sortis de ses écoles... En 1940 les deux tiers de ses représentants et les quatre cinquièmes de ses électeurs votèrent contre elle... Sauvée par un général, puis derechef ingrate,menteuse, fielleuse et inconséquente... Elle attrappe la gangrène en Algérie, meurt de ridicule... Bis repetita, le général revient, sauve les meubles et les bijoux de la vieille dame, retape la baraque du sol au plafond, vire les intrus et remet de l'ordre dans les cuisines... L'ayant viré pour cause de travail vite fait, les jaloux grimpent sur son fauteuil et l'on a vu depuis trente ans se pavanner un faux noble amateur de diamants, un marchand de sable déguisé en force tranquille, un distributeur de pommes et même, fin du fin de l'acrobatie, un client de chez Lipp qui se sent étranger dans son propre pays... Voilà pour l'identité nationale... Mais dans le pays aux 400 fromages, les bonnes volontés au service de l'Etat sont mille fois plus nombreuses que les élus puisqu'on a des borgnes à l'extrême droite, des facteurs qui pédalent à l'extrême gauche, des béarnais qui plongent dans des piscines sans eau, des verts qui voient rose, des roses qui broient du noir, des rouges qui ne font la fête qu'une fois l'an, des bleus qui voient trente six chandelles etc....etc.... Si on ajoute des gens qui comme moi rêvent d'une monarchie constitutionnelle dont le monarque soit bien avec tout le monde et ami avec personne, dont le parlement fonctionne à l'anglaise en face à face et non en fer à cheval autour d'un réveille-matin, on comprendra qu'être français n'est pas une question d'Etat dans un pays qui a changé dix-huit fois d'Etat depuis 1789. Il est aussi difficile d'être français que de faire plaisir à tout le monde. Nous l'avons fait au moyen-âge puisque Marco Polo écrivit en français et que nos architectes se sont démenés de l'Espagne à la Suède et de la Bohême à l'Ecosse... Nous l'avons refait de 1660 à l'orée du vingtième siècle... Nous avions bonne langue et l'art de la conversation. L'Europe civilisée parlait le français et nos enfants parlent depuis sans le savoir la langue des lumières. Nous avons remis les saints à leur place. Croyants et non croyants paient l'entretien des clochers, mais les cimetières sont à tout le monde, Dieu s'occupe de ses affaires et le Français des siennes... C'est ainsi que les vaches sont bien gardées. Un citoyen de chez nous peut avaler du vin et du saucisson le vendredi, en payant des impôts le samedi pour la construction d'une mosquée ou la restauration d'un cloître...Que Dieu sauve la France si ça lui chante mais qu'il ne fasse chanter personne... Nous ne sommes guère charitables mais nous avons inventé la Sécurité Sociale, seule bonne manière de réduire l'aumône, ce tatouage des riches et des fanatiques sur les pauvres... Ici on veut bien crever mais chacun sa part... Souvenons-nous du vase de Soissons... et de la nuit du 4 Août... |
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Ducruet.
©.2009.
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