L'ART DE VIVRE... | ||
Ducruet.
©.2009. Houlgate.
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La comédie humaine n'intéresse pas les mouettes. Elles ne s'occupent que de leurs affaires invariables. Aux aguets tous les dixièmes de seconde, occupées de décollages et d'atterrissages, suiveuses de marées et pondeuses dans les falaises elles grimpent au vent, visent les petits poissons, les crabes distraits et les déchets des hommes. Elles ne sont libres que pour les naïfs, coincées par leurs appétits, leurs instincts grégaires, les seuils d'alerte qui les font déguerpir. Et dans ce cas, leur cervelle d'oiseau les ramène à la case départ quand les dangers s'évanouissent. Semblables en l'an mil, elles tournèrent au-dessus des drakkars de Guillaume, chargés de vin, de chevaux et de hauberts, comme elles passèrent en quarante quatre à l'écart des volées de canons et des spitfires, curieuses de tant d'yeux à crever. Telle est leur nature tant qu'il y a des plages, des vents et des hommes. Ceux-ci viennent en bandes ou solitaires, à soigneuse distance les uns des autres, à portée de bec en quelque sorte, se mettre en veilleuse de leurs mauvais instincts, reprendre un peu d'enfance. Biens calés sur le sable, attentifs au mouvement perpétuel , tenant un livre ou plus légers que d'ordinaire, ils osent débrider un peu d'eux-mêmes, prendre un bain d'humilité , d'air salé et de vent ... Risquer quelques cerf-volants au bout d'un fil, les voir comme nous voient les Parques... Aux extrémités du jour, quand les vagues ont emporté les traces , que les mouettes nichent, que les hommes retournés à eux-mêmes reprennent leurs petites affaires, entre la Lune le sable et l'eau remuent des crustacés, des périscopes, des antennes et des coquilles s'ouvrent. Ce fut une sorte de sagesse que de dire que nos vies tenaient à un fil et qu'on allait au diable pour presque rien. Il fallait en vitesse tirer sur la ficelle, profiter des vents, monter près des oiseaux pour jeter un oeil sur nos êtres rampants, considérer le paysage en équerre afin d'aplatir des montagnes de soucis et des vallées de larmes... Les vies soufflées comme des bougies par les courants d'air, percluses dès la trentaine, fauchées par les parturitions, glacées en hiver, puant les sueurs en août, les intestins profus de gargouilles et d'amibes, les fientes molles... Tels furent les vols éphémères d'autrefois, bonheurs si ténus, si brefs que des pendus aux pélerins un battement d'aile séparait le bourreau des voyageurs. | ||
Ducruet.
©.2009. Houlgate.
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