LA GOUTTE D'EAU ...
     
     
deux têtes. huile sur bois. michel ducruet.....................................deux têtes . huile sur bois. michel ducruet.
Martyres. Ducruet.©.2006.
     
 

Que faut-il penser des images?

Nous sommes inconscients de leur force. Nous en usons comme des bouteilles en plastique ou des préservatifs... Elles illustrent nos plaisirs quand il s'agit de nous vider les poches. Ce sont les étalages du Grand Marché qui défilent inlassablement sous nos yeux... Car des milliers d'artistes et de techniciens adroits nous lèchent ces montagnes d'invitations...Ce sont d'immenses réserves d'avant ou d'arrières-trains femelles, de bustes avantagés et de cambrures éloquentes... Des chevelures travaillées couvrent des yeux de gazelles, des sourires d'ivoire, des enfants roses... Parfois des éphèbes mouillés sans efforts livrent les secrets d'un parfum... Mêlées aux créatures du rêve, des tonnes de véhicules, de perçeuses incroyables, de slips géniaux, d'eaux de jouvence et de projets de voyage... Les dieux et les photographes se donnent la main sous l'oeil attendri des people et des banques suisses...

L'Art nous collerait-il au derrière?... Dans les hangars contemporains, sa face cachée s'est extravertie en objets énigmatiques et sentencieux. Une armée de clones universitaires surveille des garde-meubles où pérorent des avocats ... Des icônes glacés se montrent sous un soleil social dans les boîtes de nuit subventionnées... On y voit aussi de vieilles rousses pendues au bras d'artistes pensifs et monocouches qui ont signé en rouge au bas d'un parchemin... Parfois l'exquise douceur des moquettes grises et des murs blancs se mêle aux fluos de l'éclairage, redonne à des cerveaux en noir un semblant de corps... Triste manège... Artists' Ranking... Tiers-Etat de la Mort jaloux de toutes noblesses et méchant avec les cracheurs de feu... On a le bal des vampires qu'on peut...

J'aime les vraies images, celles de Zurbaran, spécialiste de saintes et de martyres en robes citron ou écarlates, porteuses de seins coupés et d'yeux exorbités... mises en caisse pour le nouveau monde, la prière des indiens ou dieu sait quel réfectoire de moines querelleurs... J'aime les forêts de Cézanne en bleu de prusse avec des baigneuses hommasses et des éclats de diamant partout... J'aime la vieille borgne de Pablo, la robe d'Olga... L'autoportrait du vieux peintre en 73... J'aime Fernand Léger avec des bicyclettes si proches des hommes d'armes de la guerre de cent ans... Pierre Bonnard allumant des feux... Matisse coupable de ravir des religieuses... Rothko suicidable... Philippe de Champaigne peignant comme un luth... "Lola de Valence" belle comme les asperges... Rousseau peignant un cheval fou... Goya l'impitoyable, et tous les autres ayant forcé les portes d'Enfer ou de Paradis... Comme cet Angelico, sadique en diable à force de compassion...

Je n'échangerai pas dix ou vingt mille ans d'obstination à se fourrer dans les formes, à se transfigurer, se peindre, se présenter, s'avouer, se placer, sortir les émotions, changer de corps ... contre les modes d'emploi de la folle décence et de la pensée unique... Adam Smith n'est pas le premier homme... L'Histoire n'est pas finie... Une goutte d'eau suffit encore à faire déborder un vase... Mais il est vrai que nous vivons très vieux...

 
     
vraies images. agneau de Zurbaran.
Francisco de Zurbaran. Jeune mouton.
     
     
     
     
     
P............HOME/PAGE-ACCUEIL.......@......NEXT/SUIVANTE.....RETOUR
 
     
     
 

Statistiques web