29 Rue de la Convention... Feue l'Imprimerie Nationale | ||||
L'apparition du livre. Lucien Febvre et Henri-Jean Martin.1958 et 1971.Ed. Albin Michel. Paris. La Galaxie Gutenberg /Pour comprendre les Média 1967/1968 Marshall Mc Luhan. Ed du Seuil. Paris. Ce sont les trois ouvrages que j'ai relus quand j'ai appris le triste sort de L'Imprimerie Nationale dans un article récent de Télérama. Comme tous les contribuables je n'avais pas de tendresse particulière pour une entreprise qui se chargeait de mes feuilles d'impôt, de mes contraventions et des paperasses qui encombrent les tiroirs des sujets de l'administration. Je ne savais pas que la moitié de son chiffre d'affaires venait du bottin ni dans quel coin de l'hexagone je pouvais la trouver. J'ignorais de qui et de quoi elle était faite. Sa discrétion, comme celle de la Banque de France ou de feue la SEITA me donnait à penser que deux ou trois polytechniciens y menaient une vie heureuse en compagnie d'une espèce d'aristocratie ouvrière fort syndiquée et sous l'oeil bienveillant de jeunes énarques d'antichambre. |
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Discours de Cicéron. 1576. in 32.Lyon. Antoine Gryphe. Ducruet.© | ||||
Je me trompais à moitié. Cette vieille, fort vieille dame, fut Imprimerie du Roi dès le seizième siècle et devint Royale dès 1640 et surtout Nationale quand les citoyens, après avoir vidé la Bastille de ses malheureux, se délièrent la langue et la plume au service de leurs intérêts bien compris. Comme toutes les grand-mères, elle soignait sa toilette, rangeait ses bijoux sur sa table de nuit et dans sa commode. Il y a des jalousies dans toutes les familles, en particulier quand un divorce oblige au partage. Nous vivons en France d'interminables disputes entre l'Etat et la Nation. On ne sait même plus dans ce couple qui a trompé l'autre pour la première fois... Il semblerait que des amis américains aient favorisé l'adultère en cassant vers 73-75 les règles morales de l'Etat Providence, la principale ayant été que les profits du travail doivent surtout retourner à la nation plutôt qu'à ses banques. Les citoyens savent qu'ils n'ont plus à attendre grand chose depuis que les démocrates paient le peuple d'une monnaie de singe enrobée du chocolat des droits de l'Homme...Les actionnaires se prennent pour des hommes d'action, les propriétaires pour des états miniatures et les sans-culottes retournent dans leurs quartiers à des ocupations terre à terre : le pain et les jeux. Les âmes fuyant les ministères, restent des larbins pour s'occuper de la vieille dame. C'est que depuis dix ans les vrais patrons campent à Bruxelles, cette ville où louis XVIII attendait les nouvelles de Waterloo; que dans un élan d'après boire et dans le feu d'une partie de cartes avec Balladur, ils se sont dit que cette grand-mère méritait une leçon d'économie. Ils en ont fait une prolétaire comme les autres, avec obligation de faire du fric en vitesse, interdiction de toilettes extravagantes, délocalisation vers les grands ensembles... Pour cette raison et d'autres inavouables ils ont vendu contre trois pommes les 60000 m2 de sa propriété , au milieu de Paris : quatre vingt cinq millions d'euros. L'heureux gagnant s'appelle CARLYLE, c'est un fond de pension américain spécialiste évidemment du progrès de la civilisation et de l'Axe du Bien. Le jour de la signature ils avaient tous les larmes aux yeux et par une espèce commune de générosité on promit à monsieur le maire du XVème arrondissement de garder les jardins et la statue de Gutenberg. Que faire ensuite des 500000 pièces uniques au monde de la collection de poinçons en acier qui permettent de fabriquer les caractères d'une centaines d'écritures occidentales, orientales, égyptiennes, chinoises etc.... Allez vite faire un tour aux "Grecs du Roi", l'exposition du 3 au 29 janvier à l'Ecole Estienne, payez-vous " Les Caractères de l'Imprimerie Nationale" (59,46 euros, un demi gueuleton, ed de l'Imprimerie nationale.) Ils se font emballer dans des cartons, ranger on ne sait trop où, peut-être dans un jeu vidéo...Que faire de ces ouvriers coûteux qui savent qui fut Garamond et qui fut Sébastien Gryphe ? Que faire d'un lycéen qui lirait Louise Labé et Jean Genêt ? Que faire de ces inemployables de début de siècle qui se foutent de TF1 et n'ont pas lu "La paille et le grain" ?... Le personnel passera de 1200 personnes à 500 d'ici 2006. Pendant que des chinois paieront pour visiter le site Carlyle du 29 rue de la Convention, d'autres chinois se paieront peut-être le plaisir d'imprimer les contredanses des chômeurs et les paperasses de l'ANPE, et d'autres enfin se paieront la tronche d'Antoine Seillière qui ne sait plus trop si son arrière grand-père avait entendu parler des trésors du Dey d' Alger en 1830... Pour lors, Loïc Lenoir de la Cochetière, ancien membre du cabinet d'Alain Madelin, préside à la mise au pas d'un morceau de France qui n'a plus d'odeur... |
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INFOS DETAILLEES : aller sur le site www.garamonpatrimoine.org ou Thot-Graphos | ||||
Ducruet © |
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Editions
du XVIIème siècle |
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