Noël n'a pas été la fête des enfants. Le solstice d'hiver, jour le plus court de l'année, fut le jour de la naissance du "Soleil Invaincu"... Natalis solis invicti dies... qui relançait la machine pour un tour. Cette élasticité de la vie et de la mort est aux antipodes de nos très chères courbes de croissance. Quand il fallut rompre avec l'évidence des cycles cosmiques pour leur substituer le mirage d'une progression indéfinie vers le paradis, les hommes de dieu mirent un atout maître sur le tapis : le divin enfant entre le boeuf et l'âne... C'était passer d'une renaissance à une naissance, d'un éternel retour à l'espoir définitif... L'adoration des rois mages, des bergers, de Joseph et Marie dans la crèche, toutes ces têtes courbées, ces offrandes et mains jointes vers la chair de l'homme la plus fragile, tout montre quelque part après l'an mil, que l'occident s'est vu naître pour le meilleur... qu'il s'est donné une enfance, le droit d'inventer le monde et pourquoi pas de jouer avec... Nous n'en sommes plus là car nos jeux sont devenus mortels, nous avons commis assez de crimes pour nous apercevoir que nous serions ridicules entre le boeuf et l'âne avec nos cheveux blancs, nos rides, nos jambes maigres et nos vieilles culottes...

Comme les séniles, nous faisons ami-ami avec les petits enfants, faute d'avoir quoi que ce soit d'intelligent à leur dire. Nous les couvrons de jeux et de tendresse en fermant les yeux sur nos incapacités. Nous profitons de leur distraction programmée pour nous remplir le ventre, retrouver quelques sensations d'avant notre arrivée au monde... Ce trop plein ne dure pas... Nous sommes revenus à l'enfance parce que nous ne savions pas où aller...

Mais il y a des miracles. Les enfants sont parfois maîtres d'eux-mêmes, c'est ce qui en sauve... Ils jouent sérieusement, se donnent, font tourner leur cervelle, ouvrent d'étranges portes sur de curieux palais, tendent des chaînes d'or entre les boeufs et les ânes, illuminent les yeux des chats et se font un navire d'une barquette de kiwis... Les statues et les bêtes leur confient des secrets essentiels. S'ils font d'assez longs voyages loin des institutrices, des pédophiles et des buisenessmen, ils ont une chance de renaître chaque année comme le Soleil sur le Capitole... Invaincus... Rimbaud...