SENSATION DE FROID ? | ||
..........................Vous rappelez-vous l'image de Février dans les Très riches Heures du Duc de Berry ? La fermière habillée en bleu comme la vierge, la double indiscrétion de ce mur supprimé et de ce vêtement levé ?... Pourquoi sont-ils si extraordinaires ces hivers du XVème siècle? On y oublie la morsure du froid, on y voit les hommes actifs dans le paysage, une beauté persuasive se glisse dans cette campagne, comme plus tard dans les neiges d'Estramadure la folie du seigneur Quichotte. Les bleus de roi, les jaunes safran disséminés, jouent du haut-bois et de la trompette dans une partie à plusieurs voix , où les bruns font la mélodie et les blancs la basse ... Orfèvrerie et musique passées à la peinture... Les branches des arbres et les charpentes font un contraste de bois vert et de bois sec, de courbes échevelées et de poutres tracées. Les entrelacs des clôtures repris par le chapeau des ruches et le jaune des ruches retrouvé sur le dos des moutons, les chaussures à poulaine du frigorifié de droite devenues pies et corneilles de la couleur noire de la coiffe féminine... les chaussures de la fermière entre les blancs du chien et des dessous... La meule de paille en haut, terminée en sombre comme le clocher se terminant en clair... Le creux de la maison, le plein de la tour faisant office de grenier... toutes les formes se renforcent de leurs contrastes poussés à fond, les vides sont expressifs comme les pleins, les rappels sont incessants comme ces linges pendus à l'intérieur, sosies de la cape relevée de l'homme qui rentre... Les trois couleurs primaires, progressivement diminuées, bleus intenses soutenus par le brun orangé des menuiseries, jaunes repris dans les bois, aiguisés par la tunique délavée du frileux et relancés par le gris violet de la tour.... La blancheur épaisse signifiée par les taches noires dans la montée en zig-zag vers le village... ......................................Mourir de soif auprès de la fontaine, telle fut l'élégance du Moyen-Age en fin de vie... Placer les choses et leur contraire, l'homme exactement où se cognent le feu et la glace... Les anges et les démons symétriques près des mourants... Les saisons trop éclatantes entre les horreurs des pestes et les tournois inutiles... Folles dépenses et folles misères, cortèges de princes et Ballade des pendus... Dieu ne s'en va pas encore mais les têtes se préparent à de nouvelles exigences, les corps à de plus ordinaires satisfactions. Sur la balance du jugement, les fées, les vieilles nymphes, les bois sacrés, les saints du Paradis, le manteau de la vierge, les femmes en passe d'être sorcières, les caresses du plein air et les tapis de fleurs donnent à profusion les vives couleurs et les innombrables contrastes... Le monde parle sans cesse... Cy nous voyez attachés cinq, six... Tout vieillard portant un fagot dans la neige, rumine quelques bons mots à l'intention de la Mort... Charles le Téméraire mangé par les loups devant Nancy... |
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Ducruet.©.
"Cortège des dames."2005............................................................................
Etude pour les "Leçons des ténèbres"© |
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