.............................. La paix dure ce que durent les roses, l'espace d'un matin ( merci au poète... ). Cette rapidité me laisse rêveur et je comprends mieux pourquoi les hommes des cimetières reposent en paix, comme si elle ne durait que là. Nos fatigues sont-elles absurdes? Je crois qu'elles sont nécessaires, que nous avons besoin de tempêtes pour voir le vent.

Nous avons semé le vent en passant la porte du Paradis, en installant des dieux au-dessus de nos têtes, en dépeçant trop de bêtes, en taillant le bois et la pierre, en retournant la terre pour faire du pain, en inventant la poudre, en prenant nos plaisirs sans vergogne... Nous n'aimons pas que les jours se ressemblent, nous laissons cela aux animaux et aux divinités. Nous préférons, et pour cause, ne pas savoir ce qui nous attend. C'est ainsi que nous avons inventé l'Amour et le Sexe pour nous réserver des surprises... Nos rêves sont multipliés, nos nuits sont variées et notre égoïsme fait son miel de la fréquentation d'autrui. Pour accélérer les nuages nous avons inventé la propriété, c'est à dire le droit de faire des trous et d'y poser culotte à l'abri des regards indiscrets... Comme on ne peut indéfiniment péter au même endroit, il fallut la guerre, le franchissement des clôtures et les armes pour libérer nos entrailles chez les autres... En découvrant la peur et le courage nous avons soufflé sur les braises de l'héroïsme et de l'exogamie. Ce n'était pas le déplacement des montagnes mais L'Art et la Littérature en sont sortis, comme les grecs partis au siège de Troie, qui nous consolent encore de nos faces de singes. Le viol et l'assassinat devenus faits divers ou évènements de l'Histoire, nous sommes capables de distinguer le bien du mal, les bourreaux des victimes, selon nos intérêts... Dans le tourbillon de notre ignorance, nous nous efforçons de faire de l'or. Tout mouvement est un départ et une arrivée, peut monter en graines... Des plombiers de génie et de sérieux banquiers sauront un jour distribuer la sagesse dans une humanité de dix milliards de tuyaux, faire entrer la paix et la douceur du bon côté, puis recycler ce qui sortira en biens culturels de deuxième ou troisième catégorie.

Sur le papier journal et les cartes de voeux , la Paix semble désirée. Mais nos cervelles baignent dans le sang, s'oxygènent à force de pulsations, de bruits et d'images, mettent un quart de siècle à produire et avaler du langage... Pour aller de l'une à l'autre c'est une aventure compliquée, presque toujours une mésaventure et nous avons aussi soif de notre bonheur que faim de celui des autres... De quoi tomber d'inanition s'il n'y avait la guerre, l'injustice, le malheur et la mort active pour nous sauver de l'immobilité.

N'aurions-nous mérité que le droit de savoir ?... Sois prêt pour la guerre si tu veux la paix, vieux proverbe latin... qu'on vérifie en ménage aussi bien qu'à la ville. Tout agneau se désaltérant au bord d'une onde pure finit comme il se doit, sous la dent d'un loup... faute d'avoir goûté aux fruits défendus de la connaissance et aux tourments de la mémoire.