C'est drôle le Grand Amour... Quatre millions de pages web sur Google, des millions de pages de magazines, des tonnes de journaux intimes, des kilomètres cubes de larmes, des millions de kilomètres de pellicule, des tubes à n'en plus finir, trop de livres et de poèmes pour une seule vie...

Il est possible qu'après une évolution malheureuse des cervelles humaines, tristes de ne penser qu'à l'intérieur d'elles mêmes et maladroites les unes avec les autres, des hommes et des femmes bourrés d'hormones aient disjoncté du côté de l'imaginaire... Tels sont les rêveurs des deux sexes qui n'ont jamais assez de mots pour être là... entre fol amour et mortelles inquiétudes. Ces distraits aux yeux bandés ne peuvent voir les choses en face, appeler un chat un chat, et Dulcinée un beau cul... Ils leur faut de l'âme, des apparitions, des vertiges et des tourbillons... Un être suprême les attend sous le soleil, quelque part entre le capricorne et le scorpion... Tout le reste paraît inexistant.

Rabelais qui fourra son nez partout, régla leur compte aux niaiseries... Dans un petit texte du Tiers Livre, intitulé "Comment braguette est première pièce de harnois entre gens de guerre." il montre ce qu'est la grande affaire entre les hommes et les femmes.

Le sire de Merville doit suivre son roi sur les champs de bataille. Il s'équipe d'une armure (harnois...) toute neuve parce que " la peau de son ventre s'était beaucoup éloignée des rognons..." et se présente heureux devant sa femme. Voyant qu'il avait négligé " le paquet et le bâton ", celle-ci court chercher un casque de tournoi dans une armoire et lui colle sur la braguette. Suit un petit poème...

Celle qui vit son mari tout armé,

Sauf les couilles, aller au combat,

Lui dit : Ami, de peur qu'on ne vous touche,

Armez cela, qui est le plus aimé.

Quoi? Ce conseil doit-il être blâmé?

Je dis que non: car sa peur la plus grande

Etait de perdre, le voyant bien vivant,

Le bon morceau dont elle était friande.

L' Amour n'est pas aveugle quand une femme sait réclamer son dû et préserver, sait-on jamais, l'avenir de l'espèce... N'en déplaise aux romantiques et autres souffreteux, il est terrible de perdre la tête, mais le bien commun se trouve entre la tête et les jambes...