Vous croyez qu'il faut se méfier de tout. Vous avez appris les droits de l'Homme à l'école et vous vous apercevez que les femmes seront libres quand personne n'en aura plus besoin, que les animaux vivront en paix après le départ des hommes et que les arts donnent des airs à ceux qui regardent les pauvres sans pitié.
Votre désespoir est naïf. Rappelez-vous : vous traîniez de l'angoisse pour des gens et des problèmes qui ne vous intéressaient pas. Vous parliez la langue des bons, des brutes et des truands qui cinq heures par jour vous offraient sur un écran l'oubli de vos fatigues et de vos trous de mémoire. Vous saviez, car vous n'êtes pas idiot, que vos obsessions vous cantonnaient dans l'imitation des images truquées et le tripotage des objets en extase... Vous savez que vous êtes cuit, puisque vous n'avez pas laissé derrière vous les petits cailloux qui vous permettraient de vous tirer de là en vitesse et de retrouver une enfance. Vous refusez obstinément tous les brins de folie parce que vous êtes grégaire, que votre maman vous interdisait les écarts et les coups de colère... Vous voilà dans un bocal et content de votre espérance de vie...Vous n'êtes pas méchant, paraît-il, mais qu'en savez-vous? Pauvre garçon, vous faites les courses, vous rendez scrupuleusement la monnaie et vous pleurez parce que vous ne savez pas dire non...
Je vous ai fait un petit tableau, c'est tout ce que je peux faire pour quelqu'un qui me raconte son histoire et m'envoie six bouteilles de Pommard... Si je n'avais pas choisi la peinture, les photos, la paresse active, je serais un serial-killer ou un fabricant d'héroïne... ou un suicidé. Il n'y a pas tant de manières pour s'échapper de la vie obligatoire... C'est oui ou c'est non.
Essayez de vous débrouiller pour qu'il parle...
