LES MAITRES DU MONDE ... Docu (6)
     
     
géante rouge. verneusses. photo michel ducruet
 
Ducruet.©.2005.Géante rouge.
 
     

.............."Dites-moi, Bôzes, vous qui savez tout..." Maximilien s'était approché de la fenêtre, il se penchait un peu, le menton entre le pouce et l'index.

Bôzes avait l'habitude. Quand les énarques faisaient traîner les dossiers, le Ministre s'énervait le mardi. Le Président se tournerait de son côté avec l'air de ne pas y toucher, attendrait la fin du Conseil : " Maximilien je veux tout savoir, on se voit demain à neuf heures..." " Monsieur le Ministre, nous avons peu d'éléments, Saint-Paulin m'a téléphoné la semaine dernière, le Nain-Jaune a la migraine, son équipe n'a pas travaillé là-dessus et à gauche ils sont aussi courts que nous sur la question..."

" Je me f... de toutes les migraines du gouvernement et de l'opposition, je veux de quoi tenir deux heures et lui laisser du grain à moudre... "

Le Président avait du flair. Une amie de jeunesse, peu farouche mais tombée en religion, lui avait glissé entre la poire et le fromage que les états-majors du Secours Catholique et d'ATD Quart Monde préparaient un pavé de six-cent pages sur les pauvres de France, bourré de toutes les statistiques que Bercy et l'Intérieur cachaient depuis des années. Quand les Socialistes repiquèrent à droite, des guêpes lâchèrent que la gauche était en retard d'une guerre et en avance d'une trahison... La droite, en son temps, avait fermé les yeux sur la désindexation du dollar et l'écrabouillage programmé de l'Etat Providence... elle les écarquillait sur l'incroyable tour de passe passe qui permit de désosser la classe ouvrière dix ans après soixante huit... Il fallait se rendre à l'évidence : elle était aussi facile à réduire que le fut la paysannerie millénaire... Le peuple s'écartant de la politique, les élus se firent élire de père en fils et les victimes basculèrent chez Le Pen... L'eau dans le gaz, ce n'étaient ni la Pyramide du Louvres, ni le sang contaminé ni les hélices du Charles de Gaulle... Le président voyait venir :" Qu'est-ce qu'on va faire des pauvres ? Ils vont se taper des pommes ?..."

"Vous savez, Max, le danger c'est qu'ils aient des idées. Ils vont à l'école jusqu'à seize ans et bien qu'on les prive de connaissance , qu'on les gave de discours sur l'esclavage, le racisme, les discriminations, la planète qui fout le camp, les amphibiens, les baleines... Ils restent bons pour le zapping... Au fait, Je vous ai retrouvé cinq lignes de Benbow, il écrivait ça en 1832:

.............." Si nos seigneurs et maîtres ont de très bonnes raisons pour nous maintenir dans l'ignorance, nous en avons de plus fortes encore pour acquérir la connaissance... Le savoir dont nous avons besoin est très facile à acquérir; ce n'est pas celui qu'on acquiert dans les écoles ou dans les livres... La connaissance dont nous avons besoin est celle de nous-mêmes : la connaissance de notre propre pouvoir, de notre immense puissance et du droit que nous avons de mettre en action cette immense puissance"

"C'est cruel, Bôzes, on se tape autant de pauvres qu'au temps de Victor Hugo, les prisons débordent! Mais dites-moi, ce Benbow, c'est l'inventeur du terrorisme ou quoi? "

" Non, Maximilien, de l'action de masse... Je vous dis qu'un de ces jours vos pauvres finiront par penser ensemble, qu'ils détesteront qu'on leur refile du porno et du "vas-y p'tit gars!..." en guise d'Economie Politique... Vous aurez des sabotages sur les bras et des villes à surveiller sans pitié... et je ne parle pas des frontières..." Le Ministre se leva sans répondre, il s'approcha du Philippe de Champaigne... il s'attarda sur les arbres, le bleu de la tunique, les passages subtils d'ombres à lumières et de formes pleines à contours de nuages, le vieillard athlétique au regard aiguisé par les jeûnes et les textes. Il ne comprenait toujours pas comment sortirent des images aussi raffinée d'une époque aussi dure.

" Bôzes, vous croyez vraiment ce que vous dites? "

" Maximilien, il n'y a plus rien entre les pauvres et nous... Avant il y avait un fleuve, une mer, des océans... et Dieu... Il va falloir trinquer ou tirer dans le tas. Vous l'imaginez, la République, se tapant les sardines à la cave et finissant les restes?... Voilà ce que vous devez dire au Président."

 
     
tomates pour les élus
Ducruet.©.2005.Astéroïdes.
     
journal d'humeur et d'opinion sur pas n'importe quoi , les dialogues secrets de Maximilien et de Bôzes...
     
     
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