L'AVENIR DES TOMATES ....
     
     
 
marmandes, verneusses.photo michel Ducruet
 
 
Ducruet.2008.©.
 
     
 

Dans 930 ans devait s’effondrer le reich de mille ans. J’essaie d’imaginer ce qui aurait pu se passer si les nazis avaient rasé Moscou et planté leurs choux à Vladivostock.

Il y aurait un mètre de cendres sous les forêts de Pologne et des habits noirs à profusion. Dans des potagers secrets, protégés par des murailles de granit et reliés par des autoroutes souterraines, des hommes de taille moyenne, portant des lunettes rondes, la nuque dégagée très haut et le cheveu court, identiques et calmes, se pencheraient sur des plantes. Ces clones du Reichsführer des SS, fabriqués en masse après des manoeuvres génétiques des années 2200, sélectionnés jusqu’à la quintessence dans les éprouvettes et les étuves de la Maternité Nationale Socialiste, auraient la charge très enviée de produire des super-tomates pour le premier cercle des germains.

Dans la période d’incertitude qui avait suivi l’éradication atomique des slaves et la pulvérisation des Amériques, après que les divisions spéciales eurent vidé l’Afrique pour faire de la place aux bêtes, que fut bien entamé le passage au peigne fin de l’Océanie, on attendait du Führer des plans de perfectionnement biologique qui auraient débarrassé les fonctionnaires de première ligne des cauchemars qu’ils avaient encore à la suite de leurs travaux ininterrompus de destruction des nuisibles. Les vieilles lunes humanistes , tous ces ferments de “personne humaine ” et autres billevesées du vieux monde continuaient à ravager l’inconscient des meilleurs. Les progrès de la psychiâtrie comportementale ( merveilleuse Analyse Transactionnelle…) avaient permis d’accélérer les retours à la normale, mais Heinrich Himmler qui partageait avec le Führer un penchant pour la vie de famille, les petits gâteaux et la franche camaraderie, suggéra qu’on devrait reconvertir les industries de désinfection en industries d’agrément.

En attendant que démarre l’essor démographique des Aryens de l’ouest, on laissa les asiatiques entre les griffes des japonais : un accord secret de désertification des terres orientales de la Chine avait été conclu en 1949. Berlin fournirait les matières premières et les installation, les japonais savaient ce qu’ils avaient à faire. L’Australie qui n’intéressait guère le Reich, comme toutes les terres d’immigation où le métissage avait passé les bornes, fut reconvertie en centre de vieillissement pour les masses asiatiques que les japonais ne voulaient plus soumettre à la production.

Hitler était végétarien, partisan de tous les eugénismes et de toutes les préservations de l’environnement. En Sibérie arctique il avait ordonné de sauver les rennes. Aux jeux de 1979, pour ses quatre-vingt dix ans, on avait interdit les saucisses aux SA. Les protestations des officiers auprès du Reichfürer des SS, rendirent cependant possibles le poulet froid et la mayonnaise une fois par semaine et à la seule condition que les volailles viennent de son élevage personnel. Enfin libres pour des recherches sérieuses, les SS avaient bâti un empire de laboratoires affiliés à la Banque Génétique du Peuple. On stockait à 1000 mètres de profondeur dans les roches primaires du Groënland toutes les combinaisons d’ADN possibles. Une colère du Führer avait permis de sauver des gènes exotiques pour d’éventuelles associations entre les gènes humains et les espèces animales ou végétales. Les patrimoines exotiques avaient donné d’excellents résultats combinés aux saumons et aux baleines. Avant de disparaître dans le stupide accident que l’on sait *, Himmler avait pris la précaution de laisser ses gènes dans les congélateurs de l’Etat. Ses aptitudes intellectuelles et morales avient été si extraordinaires dans les pires moments des guerres, que le Führer, ému aux larmes, donna l’ordre de procéder immédiatement au plan Walkyrie : le gratin de la science nationale-socialiste, sous le patronage de l’Institut Mengele, eut le redoutable honneur de cloner Heinrich Himmler. Dans un testament retrouvé sur lui, il se jurait de rejoindre le Wahlalla des vieux Teutons, et, avec la modestie qu’on lui connut toujours, suggérait que si l’on procédait à des répliques de son individu, il faudrait les affecter à des recherches sur les fleurs et la croissance des légumes… Le Fuhrer fut sensible à ce penchant pour les végétaux et après consultation des astres, décréta que les clones de ce bon Heinrich travailleraient sur les tomates. Les astrologues du Reich étaient pour, mais ce ne fut pas la raison suffisante. On s’était aperçu que les tomates captaient à merveille les éclairs des gènes humains. Les théoriciens du Génie Génétique Allemand avaient fait le projet extraordinaire de placer dans toutes les espèces vivantes de la Terre quelques gènes essentiels des héros du Parti. Le Führer était d’avis que cette forme de communion valait mille fois mieux que les élucubrations sur le corps du Christ onné à ses disciples. Il se plaisait à l’idée d’être présent jusque dans les assiettes de son peuple, dans les muscles et la cervelle de ses chers camarades, pour leur greffer l’énergie et la lucidité qui étaient les siennes…

Les nouveaux Himmler parlaient d’une voix douce, se plaisaient aux horaires réguliers, aux longues séances de microscope et aux chaînes interminables de chromosomes. Une formidable combinaison de gènes exotiques récessifs et d’emprunts à l’ADN du Reichsführer des SS aboutit à la naissance d’une série de tomates rosées, d’apparence quasi féminine, semblables à des Vénus callipyges de la Germanie préhistorique. On s’aperçut qu’un régime de quelques mois à base de ces fruits, rendait les travailleurs dociles, supprimait leurs scrupules inutiles, les durcissait dans les tâches ingrates sans laisser de séquelles psychologiques ou de vains états d’âme. Les cerveaux reptiliens des hilotes de catégorie 3 étaient enfin libérés d’une excessive surveillance du cortex. Le Führer eut encore la joie de voir toutes ses intuitions confirmées par les sciences avant de mourir dans son sommeil, adulé par un peuple devenu fort comme un tigre, fin comme un lévrier, rusé comme un serpent et plus insensible qu’un scorpion. Le contrôle définitif des plantes et des animaux par le Reich, les progrès inouïs de la génétique nationale-socialiste, permirent en quelques décennies d’en finir avec les résidus d’indésirables. La constitution d’un agro-alimentaire pur et homogène de la feuille de salade à l’homme supérieur, grâce à des “auto-installeurs capables de se fixer sur toutes les populations, permirent aux alentours de 2200, de constituer une humanité heureuse dans un règne vivant complice.La réussite fut si complète que les 5% de sur-greffés avec les gènes du Führer, imaginèrentt sérieusement des transferts de peuple sur les planètes voisines, comme l’avait suggéré le congrès du Parti de 1997, ” au cas où la stablité génétique deviendrait définitive”

* Une chute dans l’escalier d’un kiosque à musique.

 
     
 
marmandes, photo michel ducruet 2008
 
 
Ducruet.2008.©.
 
     
     
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