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C'est
presque la belle saison... J'aime pourtant l'automne, quand il traîne,
que de vieilles pommes restent sur les arbres, que montent les odeurs
de champignons et de terreau, que les potagers sont pleins...
Le printemps va vite. Les hirondelles débarquent en avril, les
pêchers fleurissent, les cerisiers suivent, puis c'est le tour des
poiriers. Les pommiers font des boutons roses avant d'éclater à
la fin du mois. Les prunes sont déjà grosses comme des têtes
d'allumettes. Depuis mars les renards passent vers cinq heures près
de la maison. Les grenouilles rousses ont laissé leurs oeufs sous
la lune. Les carpes remontent avec les premiers coups de soleil. Les rosiers
font leurs feuilles en dix jours. Les moineaux bataillent. Les laitues
de véronne sont pommées... Il faut bêcher... Ce n'est
pas le moment de rêver...
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Les arbres fruitiers tiendront vingt ou trente ans, peut-être cent
pour les pleines tiges. Le gros noyer fut planté en 1900. Depuis
la grande tempête la mousse est venue aux jointures, comme si des
failles s'étaient produites ... Même les pierres remontent
en surface: les dilatations et les durcissements du sol, les nuages en vadrouille,
l'impossible arrêt des choses ou l'absurdité de tous les retours
en arrière... Je n'ai jamais vu deux fois les mêmes lumières
ni posé le pied sur les mêmes traces. On dirait qu'en avril
tout se déguise et que la terre nous attend avec le sourire... Mais
elle avance et travaille comme l'allumeur de réverbères dans
le "Petit Prince"... Quand j'étais frais comme les mois
d'avril , que les lendemains étaient plus clairs et plus lumineux
que la veille, j'étais immortel. Aujourd'hui les automnes qui me
restent sont à peine plus nombreux que mes dix doigts, les lignes
de mes mains ne sont plus aussi profondes... C'est un étrange plaisir
de voir naître les fleurs et les yeux étonnés des bébés,
les vies neuves, les couleurs moins froides et les ciels intenses... On
croit toujours au printemps qu'il y aura de la place pour tout le monde... |
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