LES VITRINES EN PROVINCE.
 
jeune femme en vitrine. Le Mans. photo michel ducruetbelle femme en vitrine. Le Mans. photo michel ducruet.
Ducruet.©.01/06/2005
  ............................Madame Bovary aurait un petit 4x4 et passerait du temps sur les parkings à chercher une place. Elle installerait sur son portable des sonneries variées. Elle travaillerait chez un agent immobilier spécialisé dans la propriété de caractère. Ses horaires et l'imprévu des rencontres lui feraient oublier l'absolue prévisibilité du reste de son existence et sa curieuse impression de ne manquer à personne... Les vitrines sont parfois remplies de femmes qui suggèrent que la vie mérite d'être vécue et que la perfection peut-être de ce monde.  

............................Les marchandises ne manquent pas d'idéal, on pourrait ajouter qu'elles se portent mieux que la clientèle qui traîne matin et soir une collection inépuisable d'organismes défaillants ou fragiles, de difficultés amoureuses, de solitudes imposées, de petits bonheurs et de recommencements. Les vitrines ont l'air aussi dégagé des contingences que les psychanalystes célèbres, les ecclésiastiques connus, les voyantes efficaces... Elles renvoient à l'extérieur une information sur l'état de la société. Le lèche-vitrines est un sport impraticable dans les pays fauchés, aux administrations douteuses et aux exigences morales excessives... Par contre il s'accomode très bien de la démocratie, de la liberté d'expression et des niveaux de vie supérieurs. On a remarqué que plus il y a de riches au mètre carré et plus les vitrines sont peuplées, qu'elles attirent les pauvres et contribuent à la paix sociale en donnant des indications précises sur le coût des objets et le moyen de les obtenir. Dans le grand espace qui sépare les riches des pauvres, la vitrine sert en quelque sorte à mesurer les distances et à prouver qu'il suffit d'un geste pour qu'ils se ressemblent. D'ailleurs dans la rue les riches prennent des airs de pauvres ou sortent la nuit, alors que les pauvres prennent des airs de riches et fument des américaines sur le trottoir...

............................Les femmes s'arrêtent plus souvent que les hommes devant les vitrines. Elles y lancent des coups d'oeil sans fatigue, se penchent sur les étiquettes, se pincent la bouche ou se tordent les lèvres. Celles qui trônent dans la vitrine restent impassibles et mystérieuses, vivent dans un monde parfait où les hommes n'interviennent pas, sauf s'ils ont du goût et de la délicatesse à revendre... Il arrive que ces créatures se déshabillent et nous laissent voir ce que vit Adam avant d'être idiot ou ce que certains rêvent de voir au jardin des Délices. Ces choses sont aussi des monstres d'indifférence. On dirait qu'au stade extrême de l'harmonie du corps, quand la divinisation est proche, que la matière épouse un idéal, la vie s'arrête pour ne plus reprendre et se fige dans une stérilisation supérieure, excluant l'ouïe, le toucher, l'odorat... Laissant d'un coup toute la place au vide.

............................Les vitrines de province sont aussi nécessaires que les préfectures ou les maisons de la Culture. Celles de Paris sont presque superflues tant il y a de trottoirs et de piétons qui vont se faire voir. Mais en Limousin ou en Mayenne, on mourrait de chagrin s'il n'y avait de vastes vitrines pour donner son lustre à l'existence. Le désir y prend ses rendez-vous et tout va mieux quand les prix lui tendent les bras. L'étrange est que l'Amour trouve ses marques dans les vitrines comme s'il découvrait le regard des autres...

 
 
femmes libérées. Le Mans. vitrine. photo michel ducruet.femme libérée. Le Mans. vitrine. photo michel ducruet.
Ducruet.©.01/06/2005
     
   
   
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