L'Amour, l'Art, frères siamois.
     
     
     
pied très élégant, smooth foot. photo michel ducruet
 
Pied. ducruet©
 
     

La vie nous offre les plaisirs. Tout le monde ne se contente pas d'une gorgée de bière ou du goût de la colle en lèchant les timbres.

Ce qui pousse les hommes et les femmes à s'occuper d'amour c'est le joug. Le sexe que nous partageons avec les serpents et toutes sortes de créatures, nous oblige à l'usufruit de nous mêmes et des autres. Nous finissons par nous demander si nous sommes les dindons d'une farce cosmique ou les héros d'une aventure extraordinaire. Comme il n'est pas flatteur de camper sur le calendrier de la reproduction, d'apprendre que nos élans sont des affaires de phéromones, de chanter comme des coqs sur le fumier des passions anciennes, nous préférons les illusions, nous aimons nos rêves... Une faille de notre constitution nous fait oublier ce qui fâche et faute de savoir ce qui nous arrive, nous sommes ravis qu'on nous aime. A force de faire les malins, nous rions de la bête que nous étions hier. Nos rires et nos larmes nous semblent plus vrais que nos corps. Les regards d'autrui, nos appétits de puissance, nos ignorances, notre penchant pour les intrigues, notre peur féroce de manquer... Tels sont quelques ingrédients du fol amour... Une espèce de religion qui a ses martyrs et ses bienheureux... Ces derniers savent perdre, ils jouissent du monde... Ils voient sous les vêtements les combines et les cambrures générales de la vie, ils accompagnent le glissement nécessaire du chaud au froid, retardent un peu les horloges. Ils rient en bonne compagnie, un oeil sur les patisseries l'autre sur les cimetières. Les martyrs meurent de penser avec leurs tripes, crèvent de soif au bord des fontaines, se collent aux mamelles comme la misère aux fesses des pauvres... Une dame bien élevée disait un jour que les hommes perdent leur âme quand ils se vendent au Diable, mais aussi quand ils la posent entre les mains d'une femme... Les gagnants de l'Amour savent danser près de la mort, tendre l'oreille à ses murmures et lui retourner le sablier au moment où elle s'y croit. Car de tous les gestes de la vie c'est celui-là qui compte. Le reste n'est que fétiches, marionnettes et temps perdu.

     
l'art rend la vie supportable. photo michel ducruet
Procession.©
     
En prévision des difficultés nous mettons nos émotions dans des tire-lires. L'Art rend ainsi la vie supportable. Les hommes sont grégaires et hiérarchisés. Les maîtres ne sont pas toujours tendres et leurs exigences peuvent aller loin. Les princes, les évêques , les rois se trouvaient bien d'être en majesté. On raconte que Charles-Quint s'est baissé pour prendre le pinceau du Titien... Goya plus proche des Lumières fit des Bourbons d'Espagne un tas de dégénérés et de méchants... ses modèles ne s'aperçevant de rien. J'ai vu un film tourné par les nazis : dans un camp fictif des juifs mènent une sorte de vie provisoire sous les yeux des SS en attente... Un sculpteur modèle son bourreau dans l'argile... L'autre ne voit pas quel monstre est en train d'apparaître et l'artiste très actif, promis aux gaz, jouant les humbles, donne des volumes aux abcès, aux tares et aux déjections des gardiens aveugles à eux-mêmes. Telles sont les fortunes de l'Art.
     
pilier de bar, buveuse. dessin michel ducruet......................portrait de primitif. art premier. photo michel ducruet.
Tire-lires à émotions.©
 

On ne part plus à la conquête du Monde, c'est beaucoup d'efforts pour peu de choses, on le gère... Mais l'économie traîne des idées fixes comme les mal baisé(e)s traînent leurs frustrations... Les monarques et les dieux n'en furent jamais à un siècle près, leur sagesse n'avait qu'un oeil... Le Marché, lui, bave d'impatience, se cramponne aux courbes de la croissance, prend la mouche dès que les hommes oublient d'être heureux. Il a des yeux partout, pose ses caméras dans tous les angles. Les braves gens ne se tracassent plus pour leurs emplois du temps : les désirs leur tombent dessus sans rien faire : Les consciences colorent les marchandises et vice versa... Les écrans tournent les pages de la vie, les vieilleries de la veille ne résistent pas aux surprises du jour... Cette éternité de la page tournée, ce vide remué à grand frais et à grand bruit, ont besoin de plein. Il faut des magiciens pour faire danser les éléphants bleus et courir les lapins roses. En un mot le social exige de l'Art. Et il paie.

Le Bonheur de vivre plus vieux, plus riche et plus instruit n'a pas de prix. Lucifer en savait quelque chose quand il raflait les âmes à leurs anges gardiens... Depuis qu'ils se sont débarrassés du ciel et de l'enfer, les hommes passent leur temps à chercher pourquoi ils sont là où ils se trouvent... Les sensibles s'interrogent sur leurs forces à prendre du plaisir et à faire du mal. Une angoisse diffuse les pousse à démonter pièce par pièce tous les engrenages de la vie commune, à les nettoyer plus que de raison, à chercher partout les indices ou les preuves d'une présence, les techniques du bien-être... Ils remplissent leurs armoires de problématiques, de questionnements, les musées de machines à voir... à se sentir exister... Ils vieillissent, s'épuisent, se courbent à suivre les entrelacs de la société... Ils finissent au comptoir et produisent des marchandises, plus ou moins rivales des vraies, qui ont un petit air de "sacré" comme l'avaient les ostensoirs à côté d'une lampe rouge... mais les choses et les trucs de la société ne sont pas vierges, les marchandises et les carcasses d'artistes non plus...Ne parlons pas des hommes de l'art qui enseignent l'Art six heures par semaines dans les bonnes universités... Un crime contre l'humanité serait de proclamer le marché plus gracieux que l'esprit et le présent plus solide que la mémoire. Donc entre de bonnes mains l'Art et l'Amour mentent comme ils respirent. Dans le meilleur des cas, à l'extrême bord du vide ils donnent la passion du vertige et de l'indicible. "On meurt par distraction" disait Moravia qui se tua en sortant du bain. L'Amour et L'Art sont en quelque sorte des répétitions générales, pour être en forme à l'heure du saut... Car il en faut pour se retourner et faire signe dans l'abîme ... C'est de la Poésie...Tout ce qu'on rajoute sert à plumer les imbéciles et récompenser les ordures.

     
mise en scène du dessin. photo michel ducruet
grille de l'éducation. photo michel ducruet.
destin masqué. photo michel ducruet.
distractions ordinaires...
     
     
portraits en vitrine. huile sur toile. tableau de michel ducruet.
Main tendue dans la vitrine. 120x75.huile/toile. Ducruet ©2002
     
     
     
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