Nous avons du temps. C'est peut-être la plus simple définition de la vie. Adam et Eve au Paradis Terrestre en avaient à profusion, mais les textes nous apprennent qu'ils s'ennuyaient à mourir... Nous ne sommes plus des adams ni des eves, les serpents ne risquent plus de nous sussurer des sornettes, ils disparaissent comme les harengs ou les hirondelles... Nous ne risquons pas de cueillir des fruits défendus, l'arbre de la connaissance a fait long feu car des légions de pédagogues transis nous pèlent les pommes, nous les cuisent et les distribuent en compote à la petite cuiller. Ils parlent de gestion mentale, d'analyse transactionnelle et autres machines à cirer les pompes de la cervelle... L'enfer n'existe plus. Le diable s'est retiré du monde, l'Eglise le dit, les pédagos le redisent en se calant dans sa chaise vide... Il y a bien encore des bons et des méchants mais ils tournent autour de l'axe du bien ou de l'axe du mal et vous ne pouvez pas vous tromper si vous avez la télé... Notre espérance de vie augmente plus vite que nos illusions... A condition de claquer quelques héritages une truie ou un canard boîteux se transforment en poupée Barbie ou en Paul Newman... On n'arrête plus les miracles, ils foncent... D'ailleurs la Terre se réchauffe. Les mauvaises langues veulent nous faire croire que c'est à cause des automobiles, d'un excès de vaches sacrées et d'arbres coupés... La vérité c'est que l'amour universel prend le dessus, que le Grand Marché ronronne, que le présent dure toute la vie et que les hommes ont tant de choses à se dire qu'ils ont un portable dans la culotte. Le flot des marchandises chauffe le moral de la troupe: nous serons dix milliards à nous serrer les coudes pour suivre la flamme olympique... Les animaux sauvages nous font discrètement de la place et meurent, les livres difficiles tombent des mains, les images délicates ne résistent pas aux ultra-violets, le tour de la Terre se remplit de projectiles, les pauvres ont toujours autant de courage, les riches volent trois fois plus vite, on ne peut plus s'arrêter, c'est gagné.

Comme vous le savez, nous n'avons qu'un seul pied dans la tombe... et pas mal de secondes à perdre.