Quelqu'un a survolé la Méditerranée près de mille ans avant Jésus-Christ. Ce miracle de la technique en dit long sur notre espèce. Nous sommes intelligents, nous ne supportons pas l'ennui. Si nous étions des objets ou des bêtes, nous serions heureux de vivre dans l'inconscience. Cette satisfaction nous ferait croire que les bouts du monde et de notre nez se confondent. En parlant de soi on parlerait de tout. Une fois qu'on a quitté les jupes de sa mère et succombé à toutes les propositions de bonheur sur un lit de fougères ou sur tous les lits de toutes les chambres, il faut se rendre à l'évidence: les confidences sur les oreillers nous emmerdent...

On se lève pour des conquêtes d'un autre genre, on fait des sciences et de l'art, on se lance dans le progrès technique, on discute, on rêve et on fabrique des machines qui multiplient les performances de nos yeux,de nos jambes, de nos mains et de certains coins de la cervelle. On va plus vite et plus loin, sans les mains, sans les pieds... On se fait des frayeurs et des statistiques...On essaie de mettre de l'ordre là où Dieu se crève à mettre du Hasard...On épaissit le jour et la nuit, on communique sur des miliers de chaînes, on voit plus clair sur des écrans...On court et cette course n'a de résultat que sa propre vitesse...Nous avons fait du monde un bolide lançé partout .

Ce que parfois nous appelons notre liberté, c'est ce qui nous tue. Mais puisque nous avons refusé de mourir comme des bêtes ou des choses, puisque nous y mettons du plaisir au point de quadrupler nos espérances de vie, faisons comme Icare : que la chute soit la plus grande possible...