L'AVENIR DU COEUR ....
 
venetian man, l'inconnu de venise. photo michel ducruet. .....les echecs et le dessins,  l'intelligence. photo michel ducruet.
Ducruet.©. 1996-2007
 
 

Avez-vous remarqué que les barbares croulent sous les émotions, versent des larmes après les massacres , comme les croisés du Vendredi Saint 1099 qui désarmés, lavés, revêtus de chemises blanches, levaient les yeux au ciel, pieds nus dans le sang des infidèles, et chantaient des actions de grâce. Quand surviennent les temps difficiles, comme vinrent les pestes ou la guerre de cent ans, que la justice n'est plus rendue sous les chênes, que les médecins s'éloignent des pauvres, que les brigands et les drogues se répandent, que le pain devient cher, les coeurs gonflent et les larmes brillent. La danse secoue les âmes et les esprits s'emballent. Que la Nature s'y mette, que le Soleil brûle, que les insectes piquent, que les fruits manquent et que s'évaporent les sources d'eau fraîche, la mémoire tarit, le présent devient obèse et les lendemains effraient. L'émotion n'arrange pas les hommes, elle les tire par le bout du nez, les retourne et les aveugle... Le baiser de la Mort est un baiser plus suave et parfumé que la Vertu. Malheur à qui bouscule pour un peu de tendresse... Donc malheur aux peuples usés qui perdent grammaires, livres et conjugaisons, se pressent dans les clameurs, recommencent inlassablement les gymnastiques de l'amour sans trouver les mots du bonheur... Ces malheureux prennent les chansons pour des amériques, l'obscène pour le comble du vrai, les poètes pour des invertis, le meurtre pour le cours des choses, leurs semblables pour des frères...

Quand mourut l'Empire, que les temples furent des nids à corbeaux, que les augures confondirent la droite et la gauche du ciel, des empereurs assez semblables à nos deuxièmes couteaux de la politique commandèrent des légions de barbares contre les barbares... Qui savait écrire s'enfuit à la campagne, cherchant la compagnie des bêtes et fuyant celle des goths... Quelques saints partageaient leurs manteaux, quelques martyrs donnaient des représentations... Après l'incendie des villes et des livres, on dit qu'un roi des Ostrogoths fit un sort aux gladiateurs, dénonçant la cruauté des anciens maîtres et se prit d'amour pour son prochain... Odoacre expédia les insignes de l'Empire à Byzance et, confiants dans les voies impénétrables du Seigneur, les Sénateurs de Rome réduits à la pétanque, distribuèrent des pucelles de grandes familles à des soldats germains... ... "Le Grand Pan est mort..." Telle fut aussi l'oraison funèbre du monde antique, forcé d'oublier que la Terre est ronde et de croire qu'elle s'étale sous la Jerusalem Céleste... Contre les infortunes on fit bon coeur, quelques miracles changèrent les vessies en lanternes pour que les temps obscurs brillent des feux de l'amour divin... et que le coeur des hommes batte la chamade du dernier jour...

Quand meurent les idées, que les morts n'ont plus rien à dire aux vivants, les cervelles passent la main. Les émotions accélèrent ou ralentissent les heures, font grimper aux arbres d'où les hommes étaient descendus de sang froid. Revenir aux origines, c'est garder les peurs au ventre, craindre le pire dès qu'on sort de sa branche, guetter les proies et les fauves, surveiller les vautours si on baise... Tel pourrait être l'avenir des hommes dans les nuages informatiques, débarrassés des textes, des morts, des bêtes et des territoires... rejetés par les climats sous d'autres cieux. Mais après le Déluge, le plus terrible serait qu'on prenne les mêmes et qu'on recommence...

 
 
 
 
 
 
 
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