PECHES MORTELS .... | ||
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Ducruet.©.2011.
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L'Enfer n'est qu'une invention du Diable et les démons ne sentent plus le soufre. Aux carrefours la garde ne sert à rien. Les brigands ne veillent pas au coin d'un bois...Les voies du salut ne traversent plus les forêts de ronces : les tentations disparaissent, les ermites sont morts... Il n'y a plus de péchés mortels. Nous sommes enfin seuls. Dix commandements menaient par le bout du nez vers les terres promises ou les portes de purgatoire... Ces complications gênaient les affaires. Le nombril du monde, doit faire table rase du passé, laisser les attardés honorer leurs père et mère : il croit au progrès indéfini du Bonheur. L'adultère est alors un signe de bonne santé et d'autonomie. Le vol une compensation offerte aux enfances malheureuses. Mentir un gage de flexibilité. L'envie brille comme une cerise sur le gâteau des motivations et des spots.... En tirant les ficelles de tous les pantins, nos conseilleurs ont fait descendre le Paradis sur terre... Jamais il n'y eut tant de places pour tant de spectacles. Certes, quelques comédiens furent aussi maladroits que l'ours qui flinga son jardinier d'un pavé lancé sur une mouche... Tels führer, chef, caudillo, duce, conducator et petits pères des peuples qui faisaient arriver les trains à l'heure, les aiguillèrent dans des forêts de Pologne ou sur les doux rivages de la Mer Blanche... Tels mécaniciens de l'Axe du Bien canardent des chameaux et des enfants à l'uranium appauvri, vident les sources de Palestine de leurs derniers hectolitres, égorgent lentement les boeufs et les moutons qui finissent dans les assiettes halal et casher des hommes pieux ... Telles aussi sont les cervelles suprêmes qui se paient la tête du monde en jouant au Monopoly pendant que les peuples rêvent puis rêvent d'investir sur Mars pendant que les peuples turbinent... S'il y avait encore quelques fautes inexpiables , elles dormiraient sous les tapis rouges ... Il ne reste que peu de crimes à exterminer: la continence, le racisme et le pessimisme. Le sexe matin midi et soir, jour et nuit, à tous les âges, par devant, par derrière, sur les côtés, en haut, en bas, dans le noir, en plein jour, en auto, en solitaire, à bicyclette, à deux, à trois, à cinquante, ente les uns, entre les unes, entre les uns et les autres, entre amis, entre inconnus, entre chien et loup, entre choux et saucisses... L'infinie diversité de l'Amour, gage de paix perpétuelle et de perpétuelle jeunesse, d'orgasme social et de fin de l'angoisse... Le doux commerce donne des chances aux pauvres : les Moldaves exportent des filles chez les albanais qui les dopent et les font danser à Londres... Des ministres, ci-devant cultivés, lutinent en Thaïlande ou à Marrakech , comme Sénèque que branlait son esclave au scriptorium, entre deux paragraphes sur l'art de l'impassibilité....La santé se loge dans la titillation réciproque des barbichettes, gazons maudits et autres bijoux de la Nature, dans l'échange des sueurs au lieu des larmes, la profusion des liquides et des humeurs, le partage des sex-toys, la pendaison des âmes au vestiaire et l'usage illimité des tuyauteries de la chair... C'est la démocratie en extase. Tant d'exercices de la langue et des reins , de journées offertes aux pendules, supposent encore d'autres vertus sévères. Il faut trouver de l'harmonie dans les vacarmes , les couleurs, les odeurs, les manies de tous les descendants de Caïn mêlés en ville... Il faut se plaire dans tous les matelas, faire tous ses compliments à tous les enfants de Rousseau.... Bref, s'épouiller en masse puis caresser le bonheur d'être ensemble... Mais la quintessence du crime, se cache dans le refus sadique et sournois de l'optimisme, l'inattention aux minutes qui passent, le détour des yeux sur les tombes... Car la félicité n'est qu'au présent , débarrassée des vieilles lunes, recettes démodées de confitures et jambes tordues de vieillards... Le passé a mauvaise haleine, il nous embarrasse d'ancêtres mal lavés, habitués aux famines, pestes et trognes d'analphabètes qui se penchaient sur nos berceaux, supputaient nos chances de passer l'hiver, souriaient de tous leurs chicots, couchaient avec les poules, tranchaient la tête aux canards et tremblaient comme des feuilles sous la houlette des pasteurs et des moines ... Ces charognes se contentaient d'un au-delà en latin, de la musique des cloches, n'avaient rien compris au sens de l'Histoire, à la lutte des classes et au progrès irrésistible des sciences ... Elles trouvaient honnête de porter dans leur cercueil le costume de leurs noces. L'explosion des savoirs, des millions de paires de lunettes, des millards d'écrans, des milliards de banquettes, devraient rendre les timides plus raisonnables : nos savoirs sont sans limites. Nos pouvoirs se renforcent tous les jours, nos enfants sont plus beaux et plus intelligents que nous. Nous serons les maîtres du monde et nous vivrons alertes jusqu'à cent ans le cul au soleil et la tête dans les nuages... Miserere nobis.... |
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Ducruet.©.2011.
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