LE POINT OMEGA ?..... | ||
2010.©.Ducruet.
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Les" autres", c'étaient les pauvres, les ouvriers, les malades ou monsieur et madame tout le monde. "Penser aux autres", sortir de son petit bonheur, arrondir ses angles, restreindre ses appétits, partager ses aubaines et ses ambitions... vivre à distance de soi, mesurer sa chance et son devoir... La conscience d'autrui fit partie de l'éducation courante comme les vaccins de la santé ordinaire. Mais la "Fraternité" est une fleur délicate à repiquer dans les coeurs parce qu'elle fait double emploi avec l'instinct grégaire. Celui-ci règle les dispositions et les déplacements du troupeau, fait accéder aux pâtures, donne de l'élan au désir de reproduction, fixe la mode et engendre l'Histoire. C'est un monstre froid qui n'exige aucun effort de bonté ou d'empathie, juste l'application ou la rupture des normes, pour le meilleur et le pire...C'est le moteur efficace du bonheur hyper-libéral, quand s'accouplent les égoïsmes sur le tapis vert du "Grand Marché" ... Sa puissance tient aux appétits complémentaires , aux paillettes noyées dans le flux des offres, aux eaux argentées des monnaies et des diamants, aux fers à béton du Droit, aux truellesdu Pouvoir... Les sociétés n'ont pas d'âme, elles durent et bâtissent le temps qu'elles peuvent. Le "Monde Meilleur", parfait, coulé dans les alliages d'intérêts, nettoyé d'émotions trop singulières, enterre ses poètes sous les fleurs de la croissance... Les voix résident dans les choeurs de marchandises qui chantent le bonheur d'être ensemble et les yeux brillent alors de l'éclat d'une étrange fraternité ... Il est sur Terre, le Paradis des presseurs de citrons, chercheurs d'or, marchands de putes, diseurs de bonne aventure, charcutiers de toutes les viandes et graisseurs de toutes pattes... Tels sont les vents et les marées de nos carnavals urbains, jour et nuit lancés par des singes savants, bouffons, croque-morts ... Quelques descendants d'australopithèques font le printemps, mais de tous les animaux malades de la peste, le bipède à grosse cervelle est le plus coquin. Voleur d'étincelles, gardien du feu, inventeur de la poudre et du moulin à vent, il court à la gloire plus vite que les guépards, saigne les troupeaux, empoisonne les rivières, crache dans les soupes et se divinise tous les jours de la semaine. Comme les mensonges ne vont pas assez vite, il équipe ses rejetons d'électronique, leur dresse le pouce à taper des chiffres et des lettres, les entraîne à la vision continue, à l'amitié générale , aux ébats variés puis à toutes les excentricités et saôuleries qui rendent les foules penseuses et l'individu débrouillard. Finis les Moïse, Napoléon, grands et petits chefs, plus besoin de messies et de miracles, plus besoin d'enfer et de paradis, les hommes font plus fort que les poulets protégés des buses et des faucons par le rapprochement des crêtes sous les nuages... L'humain vivra en vrac, en banc comme les sardines, virant à droite et à gauche d'un seul coup, tournoyant , piquant du nez, prenant de l'air en tenant son portable .... Les nouvelles iront vite dans les capillaires, les têtes singulières seront rabotées, les minuscules passeront les trous de serrures, les amitiés en foules valseront à mille temps sur le planétaire... La mémoire logée dans les megatonnes de serveurs , climatisée dans le bunker final, attendra qu'on vienne la saisir au clic... La communication totale sera la belle gueule de la tyrannie, ni plus ni moins supportable que le furent les banques catholiques, protestantes, juives, islamiques, japonaises indiennes ou chinoises, les châteaux forts, les bateaux à voiles et espingoles convoyant des noirs aux nouveaux mondes ou dans les jardins arabes... Il n'y aura plus de méchants ni de gentils, juste un flot de nouvelles, comme le courant d'un Styx imperturbable, parfois quelques pannes d'électricité, quelques fondus enchaînés, décès sans importance... La clairvoyance sera bain de foule. D'Ouest en Est la boule tournera encore sur elle-même et autour du soleil. Il y aura encore des mouches et des copulations... |
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2010.©.Ducruet.
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