LE BONHEUR DES GENERATIONS... |
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Ducruet.2010.©
. Voyages
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La vie nous fait des surprises. La première consiste à l'éjection tête en avant d'un ventre confortable où les cailles tombaient toutes rôties, suivie d'une pendaison par les pieds, d'une claque sur les fesses et d'une aspiration forcée d'oxygène qui déplie les poumons comme un parapluie... Votre premier cri ne fut pas de joie, tout au plus de stupéfaction et très sûrement d'angoisse. Puis il fallut faire votre travail de tuyau, transformer en merde de qualité votre lait maternel, retenant de quoi garder l'appétit et remuer vos petites pattes. Les bons tuyaux ouvrent vite les yeux, histoire de se tracasser les méninges et de repérer leurs entonnoirs à calories. Ceux-là se fendent de sourires, minaudent et s'énamourent dans la contemplation de leur fruit, repèrent au passage telle forme de nez , tel menton, tel héritage de trogne passé de génération en génération, présages de fertilité, d'astuce et de caractère... Le hasard fait naître en Chine , en Patagonie ou aux confins de deux Normandies... Certains naissent même en Afrique, d'autres naissent dans le caniveau, d'autres à Beverly Hills, d'autres un jour de sabbat à 100 mètres du mur des lamentations... Il suffit de quinze ans pour donner aux tuyaux une allure de primates, que leur grosse tête se trouble de désirs charnels et se remplisse de vagues explications sur la bonté divine et l'ingratitude financière, la naissance et la fin du monde... Quelques uns lisent quelques livres, prennent le temps d'apprendre la cuisine et ne plus manger à la cantine sociale... Le travers le plus courant chez les autres est de faucher les désirs d'autrui, de baigner dans l'imitation de ce qu'ils ne sont pas ou de s'empiffrer des mêmes frites que leurs voisins... Ils ont peur des poisons et des serpents cachés sous l'arbre de la connaissance. Ce motif et quelques autres les entraîne à porter les mêmes coiffures, à sacrifier des poulets comme des fils d'Abraham, à poignarder les amateurs de cochon ou les partisans de la fermentation du raisin. Certains s'abstiennent de masturbation le samedi, d'autres le vendredi, d'autres le dimanche.... Presque tous battent leurs femmes ou les couvrent de voiles quand elles s'éloignent des fourneaux. Les hommes très pieux de Tel-Aviv ou de la Mecque refusent de poser leurs génitoires sur des sièges où les femmes posent leurs fesses , car dans un bus ou un train il jurent que les odeurs de sainteté ont besoin d'être séparées... Les primates supérieurs rêvent jour et nuit depuis qu'ils surent casser les cailloux et sodomiser les chèvres. Ces deux activités remarquables leur ont donné le goût du risque et le sens du plaisir. Voilà pourquoi tant de chefs et de prophètes savent enculer les mouches, couper les cheveux en quatre et faire des étincelles sous le nez des imbéciles. On appelle cela un miracle. Le plus extraordinaire est celui du Bonheur. Le droit au Bonheur est une gâterie récente. Il part du principe que les hommes naissent " à l'état de nature", que la nature est "bonne", que la cervelle d'un individu est un produit de cette bonté et que toute cervelle a pour mission de jouir au maximum de ses 1500 grammes sans demander si d'autres cervelles , dans leur crâne et derrière leurs yeux, peuvent en faire autant. Cette jouissance de l'ego passerait par la maîtrise des choses : couper des bâtons, construire des huttes, tracer des routes, fabriquer des roues, élever des remparts, conduire des autos, tirer au canon, voler avec des bombes, lancer des fusées, aller sur la Lune, tripoter un Ipad, introduire des cartes à puces dans des distributeurs, manger des king-burgers, colorer des préservatifs... Toute cervelle serait occupée à se gonfler la tête et rallonger les bras... Le Bonheur naît quand les têtes sont grosses et que les bras sont allongés de pistolets ou de dollars... A ce stade, on foule les neiges de l'Olympe et on couche avec les dieux... Tel est le sacré de la vie pour les individualistes acharnés et les excités du libéralisme... Ils trouvent le plaisir dans les choses, convaincus que la nature est plus précieuse que l' esprit et que la vie en société consiste à la mettre au pas. Autant dire que leur bonheur est au coin de toutes les rues, qu'il suffit d'éviter les sens interdits pour le trouver, de payer un parc-mètre pour en profiter et de mettre son clignotant pour en changer. Des générations de crétins sont nées de ce genre d'orgasmes philosophiques ou littéraires, ceux de Rousseau ou du camarade Staline, les branlettes du président Wilson ou les spasmes du Führer... Enfin, tout ce qui a ramené l'Europe à ses pots de chambre, poussé les hommes à proliférer et les bêtes à se réfugier dans l'au-delà... La mise en coupe réglée de la Terre n'est pas le triomphe de l'âme. C'est le commencement des paniques qui nous attendent. Elles sont proches car nous sommes au bord de notre plus grande découverte : l'humanité est un désatre biologique dont nous commençons à saisir l'étendue... Nous sommes tout près d'un prodige plus extraordinaire que la plus extraordinaire de nos aventures, nous prenons conscience de ce que nous sommes au moment précis où notre survie devient un problème. L'Arche de Noé est en construction : des cavernes de grande profondeur gardent au Spitzberg des échantillons de toutes les graines... Des laboratoires hyperactifs fabriquent à la fois des virus tueurs et des vaccins sur mesure, on se prépare à des confiscations inouïes de matières premières, à des installations spatiales sur des gisements d'eau, au tronçonnage et à la répartition des connaissances, à la distribution de stupéfiants, à l'organisation dure et molle du déclin sans pitié de la démographie. Il faut absolument changer nos cervelles.
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Ducruet.2010.©
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