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Lorsque, fatigué, vous prendrez vos quartiers d'hiver dans un recoin chauffé, qu'il y aura des barres d'appui dans vos chiottes, que vous ne regarderez plus les femmes et tiendrez votre cuiller sur votre potage avec trop d'attention, il n'y aura que de vieux printemps sous vos pas, vos amis d'enfance se rapprocheront dangereusement de vous, vous serez muet parce que très occupé à finir ce que vous avez commencé.
Les mots n'auront plus d'importance car encombrés et usés par trop d'échanges comme autrefois disparaissaient des pièces d'argent la figure et la devise des rois frottée par des pouces et des index... Vos paroles ne pèseront guère, perchées sur des genoux cagneux, modulées entre trois dents, soufflées par du vieil air... feront sourire les barmen. Vous aurez vidé quelques urnes funéraires sur des plages, enterré d'autres connaissances, perdu vos relations au gré des oublis et des départs. Vous relirez vos livres car vous savez que vous n'emporterez pas de notes. Vous regarderez vos tableaux, vos dessins, vos photographies pour vous prouver que vous étiez quelque part. Vous serez étonné d'avoir aimé, d'être passé près des bonnes températures de la vie, des bouffées de chaleur vous reviendront quand sur d'antiques diapositives surgiront les yeux verts et bleus de certaine lyonnaise en robe violette, posant au débouché de la passerelle Saint-Georges... C'était en août par grandes chaleurs de la fin d'après-midi, les quais de Saône assez italiens et le soleil déjà toscan. Son parfum vous est resté toute la vie et sa nuque blonde et caramel et la douceur du dernier soir quand vous étiez au piano, faisant un peu d'arpèges mineurs, car il était clair que vous ne la reverriez jamais, l'ayant trompée avec une conne piquée de théâtre, rejetonne d'un voyageur de commerce et penseuse d'idées en boîte. Vous auriez dû comprendre que vous ne saviez ni partager votre temps ni freiner votre amour-propre... Comme trop d'imbéciles, vous étiez mûr pour la pénitence avant d'avoir péché. Vous ne pouviez vous sortir de votre guêpier qu'en renonçant aux plaisirs du monde. Vous avez choisi de regarder la chasse, d'appécier les chiens et les cavaliers, vous tournant vers le passé pour vous mettre en bonne compagnie sans effort ni bataille. Le bâtard que vous êtes fut pourtant capable de tableaux et d'images, sensible à des secrets, couvrant ses murs d'un autre monde, se faisant un royaume, s'organisant une vie lunaire sous le soleil...
Vous vouliez tout savoir, Vous en savez déjà trop.
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