..........................La grammaire et la conjugaison ne garantissent rien quand il s'agit d'être vrai. Les règles du langage ne sont pas toutes celles de la connaissance. Qui peut se vanter de traduire exactement une langue dans une autre ? A plus forte raison si elles ne sont pas de la même famille. Il faut se faire à l'idée que l'intelligence des hommes est bien plus vieille que le bruit de leurs conversations. On cherche en parlant, mais on trouve en silence et ce qu'on a trouvé peut attendre des années avant d'être reçu par autrui. On peut aussi se demander si les mots et les phrases vont plus vite que les corbillards... Les plus stériles des individus sont aussi les plus académiques et les plus rassis de certitudes inébranlables... Au fond l'achèvement d'une langue est une assurance de mort. Saint-Simon écrivait mal disent avec raison des professeurs qui eux, n'écrivent pas... Cézanne ratait ses nus , Van Gogh faisait de la peinture de fou, Monet trempait ses toiles dans une rivière, Mozart fit trop de notes et Wagner trop de bruit... on ne finira jamais de compter les ravages de la critique et de l'enseignement, de rire des sujets du baccalauréat, de faire des mots croisés pour se consoler des phrases toutes faites...

.......... ..............La langue formate l'esprit. A trois ans c'est fait. il se met à pencher du côté du centre de gravité des discours ambiants. Le monde, le temps, le sexe, l'autre, les bêtes, le ciel, la maison, le repas, le travail etc.... tout bascule dans le sens des usages, dans une espèce de métaphysique insinuée partout qui met de l'ombre ou de la lumière dans les esprits et sur les corps. Là où nous nous vantons d'être universels et de tous les temps, nous ne sommes que serviteurs de nous-mêmes... Qui ose dire ici que le temps n'est pas de l'argent, que la vitesse est une illusion, que les oiseaux sont de meilleurs alliés que les insecticides?... Même nos sciences sont enfermées dans la cage de nos grammaires : en vertu du principe de causalité seules guérissent les molécules et si peu l'esprit !... Nos flots de paroles et nos consommations d'énergie en disent long sur nos hystéries collectives, nos obsessions du Futur, notre impuissance sur nous-mêmes ... La disparition des forêts tropicales ou de la biodiversité ne sont pas affaire de morale. Car ce ne sont pas des méchants qui dépouillent la Terre ... C'est la langue de bois occidentale qui se répand partout, fait parler d'une seule voix, serre à mort les gorges, étouffe les poitrines qui conjuguent l'existence sur d'autres modes et d'autres temps...