Le zèbre de Sophie Leroux, sur fond de moisissures et d'un certain mélange rouge-noir-blanc connu des persécutés, c'est le profil idéal des mass-médias en télé réalité. Ils ont le pelage festif, la croupe camouflée et le mufle face au vent. Il faut se mettre en coulisse pour voir le fond et la forme de ce genre de créature. De face, à l'écran, on n'a que de beaux yeux noirs, un menton qui tremble et derrière, quelques confiseries bien imitées. |
Zèbre.
SOPHIE
LEROUX |
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..................................Il n'y a que les morts qui soient civilisés. Les autres ont tant à faire. Il se pourrait bien que la littérature plie bagage d'ici quelques années, visitée par des érudits payés à pas grand chose. Gutenberg aura bouclé son tour du monde et basta! ..................................Les hommes que j'observe ouvrent les yeux sur des écrans, dorment sur les livres. C'était prévisible dès les années trente. Les nazis ne brûlaient pas des auteurs, ils se débarrassaient du fardeau de la conscience. ................................. Les premiers démocrates furent avocats ou journalistes, moins souvent philosophes. Ils savaient tout de l'histoire sainte, des lettres grecques et latines, connaissaient la théologie et prêtaient l'oreille aux sirènes de la Raison. Saint-Just ou Marat purent imaginer qu'ils étaient à deux doigts de descendre le Paradis sur terre contre vents et marées, qu'avec de bons livres et de bons citoyens la nation s'ennivrerait de liberté sur la tombe des aristocrates et des méchants. "Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons." dixit Victor Hugo. Le Progrès remplaça l'Histoire, il se montrait dans la rue, s'écrivait sur les tableaux noirs. Les livres furent un temps les amis du peuple... ..................................Mais il n'y a que trente ans de l'assassinat de Jaurès à la découverte d'Auchwitz, à peine ce qu'il faut pour apprendre à faire des livres...trente de plus pour que les fabriques de canapés s'allient aux fabricants de tubes cathodiques. Aux écrans, de drôles de zèbres sillonnent le monde en temps réel. Des images innombrables noient les plus petits recoins des cervelles. Il ne reste rien pour l'imaginaire ni de temps pour la réflexion. C'est l'alzheimer d'un monde sans arrêts ni vitesses. Un monde de relations pauvres parce qu'on y sort peu de soi. On n'y cherche aucune route, on n'y a pas de destination. Les tableaux, les essais, les romans, tous les vieux remèdes font peu d'effet. La vivacité des hommes rétrécit, celle des écrans explose. .................................. Lamentations... Pourtant les masses n'ont pas tort d'en vouloir aux scribes. On les a violées à coup de manuels, de livres rouges et autres consignations de vérités. On leur a tapé sur les doigts pour apprendre à lire, on les a mises à genoux pour tenir un livre. Elles ont lu "Les Misérables" et appris La Fontaine juste avant d'apprendre les mots étranges de la lutte des classes, de l'émancipation des travailleurs, de l'attaque à outrance et de la der des der...Les bergers à lunettes les ont gonflées d'idées généreuses et de phrases plus généreuses encore. Elles avaient confiance... Elles ont laissé leur peau à Verdun et au goulag. Puis liquidation paysanne, casse ouvrière. Démembrement social et culturel sur l'autel de la Pensée unique... Pendant qu'on dépouille, on récite encore de vieilles formules et de vieux droits péniblement appris dans les livres des anciens maîtres. Les brebis égarées ne veulent plus de la réalité ni du pouvoir ni des douleurs de la conscience. Pendant qu'une armée de philosophes sauvait les meubles de la grand-mère et la boîte à bijoux, les esprits sont partis au-delà de l'écriture. Le langage cède aux avalanches lumineuses. De petits gestes, une infinité de grimaces, une musique parfois, suffisent pour se lancer dans la poésie comme les hommes d'armes se lançaient par coeur dans les 12000 vers de la Chanson de Roland. Dieu et le Diable se chargeant des âmes. Un nouveau monde... |
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.................Giorgione
XVIème siècle.........
.......................................Anonyme,
XXIème siècle ...................
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......... .........L'Homme s'inventa et Giorgione peignit l'invention de l'Homme. Une tête relevée, débarrassée des saints et des diables, royale et roturière, tient à distance la foule des inconséquents et autres bestiaux. La victoire est fragile. Une inquiétude, un doute inexprimable voilent ce visage comme une question de confiance perpétuellement posée à de nouveaux venus. ......... .........L'autre, l'anonyme, sait qu'il est au bout de la chaîne, que déjà l'Homme s'est en allé, qu'il en reste comme des carcasses de langoustines après un repas copieux. Personne autour qui se souvienne de ce qui s'est passé... Car, disait un normand*, ils oublieront jusqu'à la mémoire de leur grandeur. |
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*Alexis de Tocqueville | ||
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