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Si nous avions le talent universel de la lumière
et de l'ombre, nous aurions celui de l'absolue vanité des choses. Car nous
saurions que des étoiles tombent des poussières impalpables qui se traînent
dans les vents stellaires, forment des nuages dont le plus infime dépasse
mille milliards de fois l'empire d'Alexandre... Nous saurions que tout s'échappe
de nulle part et que les paradis sont des folies passagères, comme les nuées
qui vont des mers aux montagnes, arrosent les escargots et donnent de l'oxygène
aux poissons... Nous parlerions la langue des tortues qui se montent dessus
depuis deux cent millions d'années. Nous saurions qu'on n'explique pas le
monde, qu'on l'épouse à la rigueur, bien heureux de trouver chaussure à
son pied... Nous plaindrions les fondamentalistes des Nombres et de la Raison
qui nous emmerdent depuis Socrate, nous éloignent des arbres et des bêtes,
voient la nuit et rêvent le jour, nous maquillent en civilisés dans les
banquets et les foires... Nous détesterions les prophètes hallucinogènes
, renifleurs de paroles divines et autres ficelles à gêner la station debout
puis couper les cheveux en quatre et les femmes en rondelles... Nous observerions
l'application des cervelles à produire des déchets, des poisons, des excréments
d'hydrocarbures et dix mille molécules servant à désodoriser les parties
intimes, tuer les insectes, embellir les porcs et conserver les confitures....
Tous déchets qui vont à la rivière et à la mer, ainsi qu'hormones, et chimiothérapies
pissées et chiées dans la porcelaine ... finissent dans les coquillages,
les algues, les crustacés et les poissons puis se réinstallent dans les
assiettes pour un deuxième tour dans les artères et les lobes du foie, s'attardent
dans les cartilages, les graisses au rythme de 5 ou 7 milligrammes quotidiens
de colorants, métaux lourds, organochlorés etc...Pour la première fois dans
son histoire la cervelle humaine tartine son pain aux 2000 additifs de sa
merde chimique et technologique, se la mélange aux frites et viandes hachées,
salades, oeufs, fromages et mayonnaises de sa gourmandise. Jamais serpent
ne s'est mordu la queue avec tant de savoir faire, n'a roté avec autant
d'ardeur au concert de ses amours et de ses digestions... Des milliards
de singes nus, pesant le double du nécessaire, ayant excrété du pôle nord
au pôle sud , vidé tant de poubelles, de citernes, de cuves, de containers,
de valises, de wagons, de cales, de soutes et de gros intestins se lancent
dans la grande aventure de l'auto-production et consommation de la mort
via le boire, le manger, le souffle et l'empire du slip... Acharnés à croître,
nuire, se précipiter sur leur planète à gaz pour se grimper dessus, talonner
des têtes et des enfants, écrabouiller les gêneurs , se ronger mutuellement
les chairs, triompher à jamais de la finesse et du savoir... |
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