Drôles d'asticots

DROLES D'ASTICOTS...

vue par la fenêtre. photo michel ducruet.

Ducruet. Double vue.© . 2007.

..............Les paysages sont loufoques depuis que nous savons trop de physique et de biologie. Les divinités ne s'y cachent plus. A quoi bon jouer de la flûte, demander au vent l'écho d'un rire ou d'une chanson triste ?... Le Grand Pan est mort... Nous n'irons plus au bois en quête de secrets ni d' enchantements. Le Soleil est une usine comme les autres et les étoiles n'hébergent plus l'âme des morts... Je ne vois à ma fenêtre que les images du jour. Mon jardin ne fait que ce que je veux. Mes fleurs n'ont à me dire que mon histoire et je désespère de les faire parler. J'ai vu la dernière charrue tirée par des boeufs de huit-cents kilos, le fils Deloire en sabots et les corneilles chassant les vers... J'ai bu le gamay de Claudius Prajoux qui taillait ses vignes à genoux sur le talus des gorges de la Loire à Cordelle. J'ai mangé le pain des frères Muzelle à Saint-Priest-la-Roche et me suis régalé des fromages de Louise Palluet... Il y eut tant de sauterelles au pré et de grillons dans leurs trous qu'en cinq minutes j'avais de quoi ferrer des truites... M'effraient et me peinent les buissons et les bêtes de l'ancien monde, qui respirent aujourd'hui l'haleine des pétroliers, boivent la sueur des chimistes et se couvrent de poussières obscènes... Leur sort est entre les mains des apprentis sorciers et autres insuffisants. Cauchemar prévisible, la terre grouillant d'humanité comme cadavre d'asticots... L'azur plus terrible que le feu et les nuages plus foudroyants que la guerre.

Ducruet. Double vue.© . 2007.

..............Les singes que nous étions ont passé les bornes de la politesse. Si malins qu'ayant cassé des pierres, forgé des lames et des machines ils se virent dans les miroirs sans fourrure ni face écrasée, se jugèrent aptes au bronzage puis à des raffinements de coït... Mâles et femelles veulent des hivers au chaud et des étés frais pour oublier les puces d'autrefois et les séances d'épouillage... Leurs fesses ont besoin de soupapes pour atteindre les plages et leurs fosses nasales de déodorants pour connaître l'extase... Ils rêvent d'amour universel et de progéniture aimable, se trouvent mystérieux et intéressants, en redemandent dans les romans et dans les films, se toilettent pour le crépuscule des dieux... De toutes les inventions du Diable, celle qu'ils ne lâcheront pas, c'est leur passion pour eux-mêmes. Ils s'adorent tellement qu'ils imaginent que des planètes les attendent et que des créatures intelligentes rêvent de les rencontrer. Ces primates inconséquents et vantards n'ont évidemment plus d'amis ni d'alliés en ce monde et s'il devait y avoir un miracle, c'est qu'il en survive quelques uns... par distraction.

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