..................................Tant de siècles entre les mains de Dieu n'ont fait passer nos espérances de vie que de vingt-cinq à trente deux ans... C'est peu, compte tenu des sommes fabuleuses encaissées par les successeurs de Pierre, des fleuves d'eau bénite versés au front des baptisés, des courses folles des cavaliers d'Allah... L'espoir entre les mains des philosophes et des hommes d'argent, telle fut la religion des révolutions d'Angleterre et de France aux derniers siècles de la marine à voiles... Les chevaux-vapeur, les chemins de fer, les lampes à incandescence, les avions, les autos, les cinémas, les vaccins, les engrais et les fusées nous ont miraculés. Grâce à la Raison, née chez les grecs, sauvée par quelques arabes, reprise par Saint Thomas d'Aquin, relancée par Galilée, mise au pas chez Descartes et couronnée par les Encyclopédistes, nous sommes allés plus loin que le disaient les prophètes... On dit que la moitié de nos bébés atteindront cent ans...

Nous avons toujours été vantards... Qui se rappelle que le triomphe de la bicyclette coîncide avec celui de la mitrailleuse, que les autoroutes naquirent au service des divisions blindées, que le roi des désinfectants s'appelait le zyclon B... L'orgueil nous fait donc une belle jambe dès qu'il se mêle d'avenir radieux. Un philosophe d'avant la guillotine laissait entendre que nous naissions aimables, mais qu'en prenant de la bouteille, nous perdions des vertus et gardions des vices, corrompus par les nobles, les prêtres, les rois et autres ennemis de la Raison et de l'Egalité. Cet apôtre de la Liberté rêvait de briser toutes les chaînes... On lui doit la disparition de la "Guerre en dentelles" et l'avènement des tueries citoyennes, car la Vertu exige de plus gros efforts que les despotes d'ancien régime. Les vrais progrès de la Raison ne sont pas que sur les champs de bataille, mais dans les industries et le commerce. Le Bonheur des hommes est dans leur poche. Adam Smith ne s'occupait d'aucun être suprême, il n'escaladait aucune montagne pour griller des viandes sur l'autel de la Raison... Il ne prit jamais la toge... Il n'eut que la passion des égoïsmes complémentaires sur le grand marché des producteurs et des consommateurs... Il rêva d'une planète où tout le monde se tiendrait par la barbichette de l'intérêt, comme d'autres rêvent de films pornos où l'infinie multitude coïterait sans cesse...