C'est reparti pour un tour. Serons-nous meilleurs ou plus adroits? Aurons-nous assez de moulins à vent?...

Au temps où les bêtes parlaient, les mots conjuraient le sort et les hommes savaient les saisir au vol, persuadés qu'un peu de magie suffisait à dévier le cours des étoiles. Tels étaient les anciens, trop au large dans le monde, qui apprirent l'invective et la prière, trouvèrent des sources miraculeuses, des divinités à têtes étranges et firent des pyramides dans le désert pour que le soleil sache où aller. Conscients des petites perfections de l'Homme donc fort astucieux question de mots, ils y allaient de leurs cantiques et des psaumes, sacrifiaient sur des autels, profitaient de quelques journées de paix pour afficher leurs bonnes intentions et dire tout le bien qu'ils souhaitaient à autrui. C'est ainsi qu'entre la mort et la renaissance du soleil on prit l'habitude de faire et d'offrir des voeux. Les voeux ne coûtent rien, ce qui facilite les échanges. On s'aperçut à la fin du dix-neuvième siècle qu'il suffisait d'y coller un timbre pour qu'ils passent les frontières. Pourtant ce ne fut pas de bon augure et tout ce qu'on envoya dans l'hémisphère nord partit en fumée un mois d'août. Vingt ans plus tard, le corps diplomatique en habits de fête passa les portes de la Chancellerie du Reich pour offrir ses voeux au Führer. La modernité se moquerait-elle des voeux?

De quoi ne se moque-t-elle pas? On ne dira jamais assez combien le "Duce" fut moderne, aussi pétant qu'un moteur d'avion, escorté de futuristes et portant une chemise noire plus séduisante que les soutanes du Saint-Père. Les "camarades" Lénine et Staline furent si modernes que personne ne douta qu'ils avaient lu Marx et découvert la pierre philosophale... Plus modernes encore furent les nazis, capables de machines excellentes, encombrés de Prix Nobels et dévoués sans limites à la disparition du chômage... Le "Triomphe de la Volonté", "Les Dieux du Stade" couronnés à Paris, New-York et Hollywood... servent encore de grammaire à la culture pub et aux retransmissions de matches... Modernes furent les boucheries de Verdun , modernes les "douches" de Zyclon B, modernes les champignons d'Openheimer... modernes les procès truqués, les aveux énormes... les vérités pour demi-cons et crapules, l'escarcelle des pédagogues remplie comme l'enfer... Il n'y a pas plus moderne que l'obligation où nous sommes de faire descendre le Paradis sur terre. Tant mieux pour les filles de cow-boys qui deviennent des stars, tant mieux pour Ferrari, tant mieux pour les Royal-socialistes, tant mieux pour les jeunes époux des vieux beaux, pour les victimes des paparazzi, les liftées dans les ascenseurs...

Faut-il souhaiter davantage? De plus longues vies, des lotos plus énormes, des cancers bénins, des africains cédant la place aux éléphants, des robots dressés au maniement des fesses et des fesses habiles à commander? Les fins de mois difficiles tirées au sort? Les autos douces comme des mamans? Les mamans belles comme des autos?... Les études caressantes pour la jeunesse? Les banques fermant les yeux? Les avions à 1000 places? La disparition des méchants virus? Les langues vivantes à 1000 mots ? Dépêchons-nous d'en finir pendant que ça ne coûte rien... puis nous retournerons à Darwin en passant chez Freud.