| COMMENT C'EST FAIT ? | |
| Vous aviez passé du temps sur Matisse et fait quelques dessins à partir de lui. Vous vous disiez à ce moment-là que vous auriez plaisir à vous relancer dans quelque sujet bateau qui serait le prétexte d'une toile moyenne de 120cm construite et gourmande. | |
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| Dessins
à partir de Matisse 2003© |
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| Vous avez préparé votre chassis avec un soin particulier pour que le plan soit parfait. Votre toile de tergal blanc est marouflée sur une feuille de contreplaqué de 5mm, fixée sur un cadre de sapin renforcé aux angles. Vous avez enduit avec deux couches de blanc acrylique satin, en prenant soin de boucher parfaitement les pores. Après une journée de sèchage et un léger passage de papier de verre, vous avez dessiné les grandes lignes au,fusain. Vous n'étiez pas content de la partie droite, vous avez préféré attendre une dizaine de jours, la toile retournée dans un coin. quand vous l'avez reprise trois coups de chiffon et une reprise du dessin à droite vous ont suffi. Après réflexion vous avez décidé d'épousseter le fusain et de reprendre les traits au crayon pour que les lignes soient plus précises et parce que vous sentiez qu'il fallait un trait plus cérébral que gestuel. En dernier lieu vous avez eu l'idée de poser une statuette "égyptienne" à l'extrémité de la table et un chat derrière le pied de table. Vous avez senti que le tableau opposerait des étalements à gauche à des contractions à droite, ce qui est une bonne astuce pour opposer les lumières venues de l'extérieur aux lumières de l'intérieur. | |
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| Vous avez commencé par la gauche, les arrières plans. Bleu-vert orangé-rose-jaune. Vos tonalités contiennent de la terre de sienne brûlée, pour éviter qu'elles soient trop écartées les unes des autres et parce que vous voulez que l'ensemble fasse "blond", qu'une harmonie de fond enlève aux contrastes ce qu'il pourraient avoir de mécanique. vous passez aux accessoires (fauteuil,miroir,table, vase, bols, statue) en vous amusant parce que vos raccourcis sont jubilatoires et que sous prétexte de descriptions vous faites tout le contraire en organisant un jeu de saute-mouton, de bonds circulaires et d'équilibre qui dans la pellicule extra-mince du plan donne des chances neuves à la peinture. Vous vous amusez à vous débarrasser des contraintes sociales, historiques, académiques et autres furoncles qui font le bonheur des faux bourgeois et des vrais cons. Vous prenez vos aises au bord de rien du tout parce que vous savez que tout n'est rien et que rien c'est tout, que les sujets sont ridicules, que les dénonciations ne servent à rien, que les tableaux sont forts quand ils font silence et que tous commentaires ne servent qu'aux dames de la paroisse. Votre plaisir au second degré consiste à voir venir ces plages de couleur pénétrables, ces combinaisons de formes d'aussi loin que viennent nous voir les peintures, à nouer des conversations avec les civilisés, à mettre sur la table l'autre image d'un autre monde. Votre temps n'est plus que le vôtre et votre cervelle déborde généreusement de solitude... | |
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..Les choses se précisent, on s'approche du moment où une peinture tombe à plat ou reste en vibrations. Vous avez autant que vous le pouviez retardé la sensation de saturation, ménagé de l'espace pour qu'un rajout soit possible. Plus vous avancez et plus se rétrécit le champ des possibilités. C'est une étincelle, seulement, qui donne la vie... |
| Vous n'avez plus que 1% de la toile à couvrir, cinq ou six accents, mais ils rendront votre travail vivable ou cadavérique. Ce n'est pas une affaire d'esthétique. Les inquisiteurs sont morts ou ne savent plus écrire. Il n'y a plus que des gestionnaires de succès, et aucun "Commissaire" d'exposition ne s'expose à exposer des oeuvres invendables à des banques ... Donc vous ne marchez qu'au bon plaisir, vous évitez "d'accélérer l'Histoire...", vous savez qu'un tableau neuf et non sponsorisé met dix ans avant de plaire à celles ou à ceux qui l'emporteront. Vous décidez d'attendre quelques jours avant de finir. | |
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