L'ART ET LA MANIERE | |||||
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Artiste
Contemporain, signalétique................................Giorgione,
autoportrait (?) ...
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................Nous sommes de plus en plus forts. C'est ce qui explique la gaité de nos villes. Si vous êtes grincheux au point d'en douter, vous trouverez le bonheur dans les rues bordée de Galeries d'Art. Des spécialistes vous y attendent. ................Avouez que dans les musées de papa les gardiens ne vous ont jamais renseigné sur ce qui vous tracasse depuis votre entrée en sixième : suis-je comme les autres? A l'école vous étiez un élève normal qui suivait des cours normaux sur des programmes normaux... Les livres , comme il se doit, vous tombaient des mains mais vous compensiez dans les clubs où des gens que vous aimiez proposaient des activités d'éveil. En philo vous étiez attentif et le cours sur l' Art vous intéressa parce que la prof était bandante et qu'il vous semblait qu'à ce stade de l'intellect la drague procurait des occasions en or ... Quand vous êtes entré à l'école de commerce vous aviez l'esprit ailleurs. Vous passiez des heures sur des logiciels complexes, il fallait que votre anglais soit au top niveau, les cours de Marketing et d'analyse Transactionnelle ne vous ont plus laissé le temps de rêver. De toutes manières vous sentiez confusément que la vieille culture, genre Malraux ou Gallimard, bloque le speed et le deal dans le monde des affaires. Une méthode de coaching, payée cher mais rôdée depuis vingt ans sur la côte Est, vous apporta le dynamisme et l'estime de soi que la littérature et les musées n'offent à personne. C'est la raison pour laquelle vous ne lisez que la presse économique et les revues professionnelles. ................Vous avez trente deux ans, votre copine trente six. Depuis quelques mois vous vous posez des questions sur votre couple. Irina voudrait un enfant... Delphine qui travaille avec elle vous dit que tout ça ressemble à un alibi, qu'en fait, Irina s'ennuie au boulot, qu'elle est jalouse de sa soeur qui a trois gosses, qui vend des aquarelles à des anglais dans le Tarn pendant que son mec retape les résidences secondaires. Vous dites en rigolant que le seul gadget qui vous manque c'est d'avoir un gosse... Mais les sautes d'humeur vous fatiguent... vous faites un effort de concentration sur vous-même et sur votre couple pour que votre vie privée reste clean. Vous êtes tombé sur une interview de Pete Brawn ( le top des coaches californien, un type très branché qui a fait fortune dans le commerce des bracelets rouges ) où il dit texto :" Si vous mettez 20% d'Art dans votre vie, vous augmentez votre capital sexuel de 30% et vous diminuez vos scènes de ménage de 50%..." Vous avez décidé de réduire votre inculture, de fréquenter d'autres gens, de mettre une dimension esthétique dans votre quotidien. Vous avez dit à Irina que vous n'irez plus au restaurant sans avoir fait d'abord une expo. C'était un peu macho de votre part, mais vous saviez dans ce coup-là que son côté soumise prendrait le dessus... ................Vous avez trouvé sur le net un magazine américain où la rubrique people est bourrée de photos prises dans les vernissages et vous jubilez parce que vous savez quoi vous mettre à Paris sans avoir l'air idiot. Irina vous a traîné chez H§M pour les basiques et votre copain Florian vous a passé l'URL de Wrangler et de Levi's. Vous commandez des jeans sur catalogue aux usa, des pompes conçues pour ne pas se prendre les pieds dans les escalators. Ici nos petits malins d'importateurs évitent d'avoir des stocks en ne demandant pas aux clients de donner leur mesure d'entrejambe... C'est pour ça que les américains ont l'air de descendre de cheval alors que nous avons celui de sortir du garage... Et puis c'est deux fois moins cher et livré en deux jours... Votre première sortie vous a rassuré. Il y avait des invitations qui traînaient dans une banette près de la machine à café :" Le corps, émoi ". Vous avez demandé à Florian si ça valait le coup, il a jeté un oeil sur le carton et fait signe que c'était au poil. Vous aviez un pull torsadé à fermeture éclair, des pompes à semelles ultra-minces, un Levi's qui ne faisait pas un pli, la barbe à deux millimètres égalisée à la tondeuse, les cheveux relevés au gel... Irina qui commence à craindre pour ses trente six ans s'était gardée un masque au concombre toute la nuit. Elle portait une jupe foncée sur le genou avec des chaussettes à rayures genre crayons de couleur et des baskets souples genre années cinquante. Sa veste écossaise faisait un effet terrible sur le tee-shirt sans soutien-gorge. Elle avait les ongles violets pour mettre en valeur le petit éléphant d'ambre de sa bague thaïlandaise... ................Vous êtes arrivés vers vingt heures, il y avait un attroupement rue Kaiser avec des gens qui parlaient comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Mais vous avez remarqué qu'ils se parlaient sans se voir, qu'ils dévisageaient en coin tout ce qui passait par là... Vous êtes entrés dans cette galerie, vous avez tourné autour d'un paquet de sept à huit personnes. Un jeune type, la trentaine, s'appuyait des deux mains sur une table, parlait les yeux baissés. Il les relevait dans la direction d'un sexagénaire attentif accompagné d'une japonaise en noir... Vous vous êtes approché, vous avez saisi quelques bouts de phrases, quelques noms de villes :"... une femme obèse... Denver... le musée d'Osaka... on devrait publier les mémoires de Sam, il a toujours vendu des hots-dogs et fait sa peinture en même temps... Bâle... oui,bien sûr... Henri méritait autre chose..." Irina se faisait draguer par un jeune intello aux yeux sombres. Vous êtes allés prendre la température : " J'te présente Fernand Dolorosa, il commence une thèse de philo sur les vérités du corps... c'est ça non ? ... Oui, c'est ça mais dans le sens inverse des aiguilles d'une montre..." Ils éclatèrent de rire, vous avez souri comme un complice en vous demandant où elle avait piccolé, parce que vous étiez encore en train de chercher un verre. Vous êtes descendu au sous-sol. Il y avait des sacs par terre et des oeuvres aux murs. Dans le coin à gauche deux lesbiennes se faisaient des confidences, elles vous ont regardé d'un air militant, vous êtes passé le nez sur les oeuvres, vous avez croisé un type en costume trois pièces qui cherchait les toilettes. En remontant vous avez entendu quelques applaudissements. Une femme liftée pleine de taches de rousseur près du cou venait d'arriver avec une bande. Vous avez vu un photographe en parka, l'air modeste comme judas au Mont des Oliviers, un leica sur le ventre, l'autre à la main... vous avez souri quand il faisait cliché sur cliché de gens à fric et de grosses têtes... vous aviez des doutes sur les grosses têtes mais les friqués, vous les sentiez à trois kilomètres, c'est votre job... ................Vous êtes enfin tombé sur les boissons, près du bureau et de la réserve de catalogues. Quatre ou cinq solitaires, en éventail et le dos aux bouteilles, promenaient un regard pensif sur les hommes et les oeuvres. Il y en avait un qui semblait heureux d'être là, qui donnait l'impression de vouloir parler de tout et de n'importe quoi. Il venait de poser une brochure sur la table, il remit un coup de rouge dans son verre en plastique et vos regards se sont croisés au moment où vous finissiez le vôtre. " Alors ça vous plaît ce vernissage?" ...Vous n'avez pas l'habitude de parler comme ça, vous répondez que vous êtes là pour la première fois, que vous n'avez pas très bien compris tout le travail des artistes mais que vous reviendrez sûrement une autre fois pour vous faire une vraie idée... " Qu'est-ce que vous faites comme métier?..." Vous lui dites que vous mettez au point des outils de représentation de la pulsion d'achat... des outils de mesure objective du travail des cadres, des outils d'auto-éducation de l'émotionnel et du relationnel à partir des besoins stratégiques des entreprises etc... Il vous écoute en vous détaillant des pieds à la tête, vous tape sur l'épaule et dit en éclatant de rire :" Décidément ce sont toujours les salauds qui font bouger le monde! " rajoute avec le sourire :" De toutes façons on n'empêchera pas le Diable de faire descendre le Paradis sur Terre..." puis incognito... :" Dites-moi cher ami, j'aurais peut-être du travail pour vous ... vous savez je ne crois pas au hasard..." |
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Voir aussi : Texte 2 Texte 3 Texte 4 Texte 5 Texte 6 Texte 7 Texte 8 | |||||
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Giorgione,
autoportrait ....................................................Artiste
Contemporain, signalétique
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