Souvenir de la rue d'Antibes
     
     
.......................gravure de henri goetz, 1975H. Goetz. 1975.Gravure.
Les voeux de la Galerie. Janvier 1975.
     

C'est un des endroits du monde où la peur de la mort fait des miracles. Un long boyau qui mène des environs de la Mairie à proximité de la gare de Cannes, que l'on arpente dans un sens et dans l'autre comme on le fait pour la Croisette. Les voitures s'y coincent et mettent trois quart d'heures pour en sortir... Davantage quand il s'agit de vrais ou faux bolides conduits par des lunettes noires et des gourmettes épaisses... Sur les trottoirs vont et viennent des étrangers à l'aise, des amateurs de fringues remarquables, des marins de flottes en tournée. Des va-nus-pieds s'arrêtent sur des pompes à 1000 euros, des désespérés respirent un petit air de succès, tombent sur des mégots de havanes qui dépassent les dix centimères, ou sur des restes de médicaments pour le foie...On peut y voir tout le monde mais on n'y rencontre personne. On vient là pour expier sa nullité ou jouir d'autrui avec des marchandises de luxe dans des sacs de marque...C'est là que l'argent fait le bonheur... Mais le plus extraordinaire de la rue d'Antibes c'est qu'une partie des trottoirs garde les traces des fers à chaussures de Picabia ou des poils microscopiques des pantoufles de Picasso:

Il y eut un lieu de plaisir à la hauteur du numéro 20. Lionel Cavalero avait été un excellent nageur, il partit au Brésil et fit du commerce de pierres précieuses, revint à Golfe Juan pour tenir une plage privée où les peintres connus des années cinquante et soixante se retrouvaient l'été. En parlant aux uns et aux autres, en regardant les tableaux, il se prit avec sa femme d'une passion de collectionneur et finit par monter une galerie d'art contemporain où sont passés des plus remarquables artistes de l'époque : Bryen, Poliakoff, Debré, Schneider, Istrati, Dumitresco, Atlan, Bartoletti, Rezvani, Seund ja Rhee, Fautrier, Wols, Atila, Leppien, Mansouroff, Chu Teh Chun, Ado et Key Sato, Boumeester, Gastaud, Luc Peire, Hartung, Lam, O. Dominguez... j'en oublie...J'y ai vu aussi de très beaux Herbin et Sonia Delaunay, quelques rares Picabia...Toute une génération et davantage. En soixante dix neuf et quatre vingt j'y allais une fois par semaine et après quelques minutes nous finissions par tirer la bonne ficelle et parler de peintres... Il avait dans une petite pièce des toiles qu'il allait chercher pour les besoins de ses démonstrations... J'ai vu un Olivier Debré de 47 ou 48 qu'on aurait pris pour un Picasso si dans le bas à droite vingt centimètres de peinture n'avaient annoncé tout ce qu'il ferait sur les bords de Loire... Sa femme parlait peu mais dans le mille... Il aimait raconter les dessous du marché, les incohérences ou les âneries de certaines autorités... On a bien ri quand il confia que Man Ray donnait ses toiles pour rien, sachant qu'elles ne valaient pas grand chose, et que le Musée Beaubourg s'était fendu d'un million de francs pour en avoir une, alors qu'en même temps Fromanger fut presque de sa poche pour sa rétrospective. L'année de la fermeture, au mois de juin, ils nous ont offert un chaleureux gueuleton d'artistes, sans adieux ni discours, comme je n'en ai plus vu. Depuis les années quatre-vingt, le temps, les gens, les arts, la mode ont pris l'allure, le galop, les tronches du business...et des produits "dérivés".

VOIR AUSSI : Texte 2 Texte 3 Texte 4 Texte 5 Texte 6 Texte 7 Texte 8
 
galerie cavalero cannes, 1980.cirque. 1980. galerie cavalero. cannes. michel ducruet.Ducruet.1980©
Juin 1980. Galerie Cavalero. Rue d'Antibes, Cannes.............
     
     
     
  On trouvera sur ce lien les résultats de la vente Cavalero de Novembre 2002, à Drouot. LIEN  
     
     
     
     
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